Inondations mortelles en zone urbanisée : quelle(s) responsabilité(s) pour le maire ?

28 juin 2018

Dans la nuit du samedi 27 février au dimanche 28 février 2010, la tempête Xynthia touche les côtes vendéennes au moment où celles-ci connaissent une pleine mer de vives eaux d’équinoxe. La concomitance d’une forte dépression atmosphérique, de très fortes rafales de vent poussant les eaux de surface vers la terre, et du déferlement des vagues à proximité de la côte provoque une surcote. La conjugaison de ces éléments entraîne des brèches importantes dans le cordon dunaire et sur les digues, ainsi que des débordements par-dessus ces dernières, à l’origine d’inondations brutales et étendues du littoral, particulièrement sur la commune de La Faute-sur-Mer. La digue Est de la commune est submergée, ce qui entraîne l’inondation du quartier résidentiel situé dans la cuvette derrière la digue. Vingt-neuf personnes trouvent la mort.

Une information judiciaire est ouverte. Le maire de la commune et la première adjointe à l’urbanisme (1) sont mis en examen des chefs d’homicide involontaire et mise en danger de la vie d’autrui. Il en est de même du président de l’association syndicale des marais propriétaire de la digue Est  (2), de deux sociétés de construction et de leur gérant (lequel est décédé en cours de procédure). Le directeur départemental adjoint des territoires et de la mer est pour sa part mis en examen du seul chef d’homicide involontaire.

En première instance (3), le maire, l’adjointe à l’urbanisme, et le président de l’association syndicale sont condamnés respectivement à quatre ans d’emprisonnement ferme, à deux ans d’emprisonnement et à une amende de 75 000 euros, et à 18 mois d’emprisonnement. Au civil les juges estiment que les fautes imputées aux élus et au président de l’association syndicale sont détachables du service et condamnent en conséquence les trois prévenus à indemniser les victimes sur leurs deniers personnels.

En appel (4), les juges relaxent le directeur départemental et les sociétés de construction (5).

Infirmant le jugement de première instance, les juges d’appel relaxent également le président de l’association syndicale propriétaire de la digue Est (6) et l’adjointe à l’urbanisme (7)

En définitive, seule la condamnation du maire est confirmée. Non pas pour avoir délivré des permis de construire en zone inondable compte-tenu de la défaillance des services de l’État (8), mais pour neuf autres éléments à charge retenus à son encontre (9).

Si la déclaration de culpabilité du maire est confirmée, la peine prononcée est ramenée de quatre ans d’emprisonnement ferme à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une interdiction définitive d’exercer une fonction publique.

Sur l’action civile, les juges d’appel réforment également le jugement de première instance, estimant que les fautes commises par les élus ne sont pas de nature à engager leur patrimoine personnel. En effet les juridictions judiciaires ne sont compétentes pour condamner civilement un agent public (entendu au sens large) à indemniser personnellement les victimes que pour autant que la faute qui lui est imputée est personnelle (par opposition à la notion de faute de service). Tel est le cas notamment chaque fois qu’un élu ou un fonctionnaire poursuit un intérêt personnel.

Nature de la faute Désignation du responsable Juridiction compétente
Faute de service Responsabilité de la collectivité Juge administratif
Faute personnelle Responsabilité personnelle de l’élu ou du fonctionnaire fautif Juge judiciaire
Cumul de fautes (faute de service et faute personnelle) 🔸Responsabilité de l’élu ou du fonctionnaire fautif et/ou de la collectivité (droit d’option de la victime).
🔸 Au final par le jeu des voies de recours : partage de responsabilités entre la collectivité et l’agent public fautif
Juge administratif et/ou judiciaire (selon l’option retenue par la victime)
Faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service 🔸 Responsabilité personnelle de l’élu ou du fonctionnaire fautif et/ou de la collectivité (droit d’option de la victime).
🔸 Au final par le jeu des voies de recours, la charge de l’indemnisation incombe intégralement à l’élu ou à l’agent fautif sous réserve qu’il soit solvable
Juge administratif et/ou judiciaire (selon l’option retenue par la victime)

Resurgit ici le débat sur la notion de la gravité de la faute imputée à un élu ou à fonctionnaire comme critère de distinction entre la faute personnelle et la faute de service. À cet égard une divergence d’approche entre le Conseil d’État et la chambre criminelle de la Cour de cassation peut être relevée (10).

Rappelons que dans le célèbre arrêt « époux Lemmonier » (11). Le Conseil d’État a jugé que la circonstance que l’accident serait la conséquence de la faute personnelle de l’agent, et pourrait ainsi entraîner sa condamnation à des dommages et intérêts par les tribunaux judiciaires, ne privait pas la victime de l’accident du droit de poursuivre directement, contre la personne publique qui a la gestion du service considéré, la réparation du préjudice. En effet, selon les termes du commissaire du gouvernement Léon Blum, si la faute personnelle « a été commise dans le service, ou à l’occasion du service, (…) la faute se détache peut-être du service – c’est affaire aux tribunaux judiciaires d’en décider –, mais le service ne se détache pas de la faute. Alors même que le citoyen lésé posséderait une action contre l’agent coupable, alors même qu’il aurait exercé cette action, il possède et peut faire valoir une action contre le service. ». Dans cette espèce, il était reproché au maire d’une commune rurale du Tarn une grave faute d’imprudence en autorisant l’organisation d’un stand de tir sur les rives d’une rivière lors d’une fête locale dans des conditions telles que les balles pouvaient frapper la rive opposée et menacer les promeneurs attirés par un chemin de promenade récemment aménagé : bien que le maire avait été alerté sur le fait que des promeneurs avaient failli être blessés, il s’était contenté de donner des consignes de sécurité aux tireurs sans ordonner l’arrêt de cette tradition qui attirait un nombreux public. Jusqu’à ce qu’une passante, circulant sur la rive opposée, soit finalement grièvement blessée au visage… Saisie au civil d’une demande de dommages-intérêts contre le maire, la cour d’appel de Toulouse avait de son côté retenu la faute personnelle du maire estimant que « la faute grossière et inexcusable dont il s’est rendu coupable n’est pas, en droit, l’exercice de sa fonction, mais une défaillance personnelle, qui engage sa propre responsabilité » (12).

Plus récemment, le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 30 décembre 2015, N° 391798 & N° 391800, a synthétisé les critères (alternatifs et non cumulatifs) qui permettent de caractériser une faute personnelle :

  • la recherche de préoccupations d’ordre privé ;
  • un comportement incompatible avec l’exercice de fonctions publiques ;
  • la commission de faits qui revêtent une particulière gravité, eu égard à leur nature ou aux conditions dans lesquelles ils ont été commis.

Si les deux premiers critères peuvent rejoindre ceux posés par la chambre criminelle de la Cour de cassation, celle-ci se refuse à considérer qu’une faute personnelle puisse être caractérisée à l’encontre d’un agent public reconnu coupable d’homicide ou de blessures involontaires dans l’exercice de ses fonctions, et ce quelle que soit la gravité de la faute commise.

Ainsi dans un arrêt rendu en 2007 (Cour de cassation, chambre criminelle, 13 février 2017, N° 06-82264, la chambre criminelle a censuré un arrêt de la cour d’appel de Versailles qui avait retenu la responsabilité civile personnelle d’un gynécologue de garde qui ne s’était pas rendu à la clinique pour examiner lui-même une patiente alors qu’il avait été alerté de l’état critique du bébé et de la mère. Pour caractériser une faute personnelle à son encontre les juges d’appel avaient relevé que la faute imputée au médecin était « d’une telle gravité » qu’elle ne pouvait être assimilée à une simple faute de service. La Cour de cassation annule l’arrêt sur le visa de la loi des 16-24 août 1790 estimant que les fautes imputées au prévenu ne pouvaient engager son patrimoine personnel devant les juridictions judiciaires.

Pour la même raison, la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre criminelle, 18 novembre 2014, N° 13-86284) a annulé la condamnation civile de deux infirmières reconnues coupables d’homicide involontaire après avoir neutralisé un patient violent en lui passant un drap autour du cou provoquant ainsi son décès par asphyxie.

  • Une brèche ouverte par la chambre civile de la Cour de cassation

En 2008 (Cour de cassation, chambre criminelle, 30 septembre 2008 N° 07-82249) la chambre criminelle avait reconnu la notion de faute d’une particulière gravité comme critère de caractérisation d’une faute personnelle (13) :

« est détachable de la fonction d’un agent public, même si elle n’est pas dépourvue de tout lien avec son service, la faute de cet agent qui, impliquant une intention de nuire OU présentant une gravité particulière, révèle un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ».

Mais, dans le même temps, la Cour de cassation prend le soin de préciser que les manquements doivent être volontaires et ajoute qu’en agissant ainsi les fonctionnaires ont « jeté le discrédit sur l’ensemble de la fonction publique civile et militaire en affaiblissant l’autorité de l’État dans l’opinion publique, méconnaissant ainsi l’intérêt général, au seul profit d’intérêts particuliers n’excluant nullement leurs propres intérêts de carrière ».

Ainsi la chambre criminelle reconnaissait que la gravité de la faute commise puisse être un critère constitutif d’une faute personnelle mais sans s’affranchir totalement du critère de la poursuite d’un intérêt personnel (même très ténu en l’espèce) et en exigeant un « manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ».

En 2017 la chambre civile de la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre civile 1, 25 janvier 2017, N° 15-10852) s’est affranchie totalement du critère de la recherche d’un intérêt personnel. La chambre civile de la Cour de cassation a en effet annulé un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait exclu la responsabilité civile personnelle d’un maire recherchée par un propriétaire mécontent d’un refus d’allotir. L’administré avait obtenu gain de cause devant les juridictions administratives mais demandait au maire de l’indemniser personnellement de son préjudice résultant du retard pris dans les travaux. Les juges du fond avaient écarté la responsabilité civile personnelle du maire en soulignant l’absence de tout intérêt personnel. La Cour de cassation censure cette position reprochant aux juges d’appel de ne pas avoir examiné la gravité de la faute imputée au maire et ce même en l’absence d’intérêt personnel poursuivi par celui-ci : « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, quel qu’en ait été le mobile, les agissements de M. Y… ne revêtaient pas, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils avaient été commis, une gravité telle qu’ils étaient détachables de l’exercice de ses fonctions de maire, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Autant dire que, dans ce contexte, la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation était particulièrement attendue dans le volet civil du procès Xynthia. Allait-elle maintenir sa jurisprudence antérieure ou allait-elle s’engouffrer dans la brèche ouverte par la chambre civile pour retenir la responsabilité civile personnelle des élus ?

  • La position de la chambre criminelle de la Cour de cassation

À l’égard du maire les juges d’appel s’étaient déclarés incompétents sur les intérêts civils et avaient renvoyé les parties civiles à mieux se pourvoir devant la juridiction administrative compétente (14) en relevant que :

  • « les fautes retenues contre le prévenu dans le cadre de l’action publique ont été commises dans l’exercice de ses fonctions de maire et avec les moyens du service (15).
  • le fait qu’il s’agisse de fautes graves, qualifiées au plan pénal, n’implique pas nécessairement et de ce seul fait qu’elles sont personnelles et détachables du service;
  • les fautes n’ont pas été commises volontairement et que les poursuites et la déclaration de culpabilité concernent seulement des délits non-intentionnels ;
  • l’élu n’est pas condamné pour avoir sciemment exposé ses administrés à un danger mortel, sa responsabilité pénale étant engagée parce qu’il n’a su ni prendre l’exacte mesure de la situation, ni tirer les conséquences des informations qu’il avait à sa disposition et qu’il a manqué de vigilance et de prudence dans son administration de la commune, ses erreurs ayant été d’appréciation et ses fautes d’imprévision, de négligence et d’imprudence
  • ces fautes n’ont procédé ni d’une intention de nuire, ni d’une volonté de privilégier ses intérêts personnels ou de s’enrichir au détriment de ses administrés ou de tiers, ni plus généralement de la poursuite d’un intérêt étranger au service;
  • il a manifestement toujours agi dans ce qu’il croyait être l’intérêt de sa commune et de ses administrés en encourageant l’urbanisation, source de développement économique ;
  • le prévenu a été conforté dans ses options erronées par les errements et atermoiements des agents de l’Etat dans le département, alors que, conscient des limites techniques de ses services, il avait fait appel à eux dans le cadre de conventions d’assistance, non seulement en matière d’urbanisme mais également en matière d’aménagement et de voirie et que, sans que cela constitue une excuse absolutoire, il s’est trouvé, au regard de l’élaboration des documents d’urbanisme intéressant la sécurité, dans la même situation que la plupart des maires de communes littorales, ce qui témoigne de difficultés inhérentes à la fonction même de maire d’une petite municipalité dépourvue des structures et moyens nécessaires pour faire face à ses missions».

La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans la droite ligne de sa jurisprudence, reprend à son compte ces éléments pour en conclure que la cour d’appel a justifié sa décision en considérant que les manquements imputables au prévenu ne constituaient pas une faute personnelle. Ce d’autant, qu’en l’espèce, plusieurs éléments sont retenus à la décharge du maire et atténuent la gravité des fautes qui lui sont imputées et tout particulièrement la circonstance que « le prévenu a été conforté dans ses options erronées par les errements et atermoiements des agents de l’Etat dans le département ».

La situation de la première adjointe était différente de celle du maire car elle avait été relaxée par la cour d’appel. L’article 470-1 du code de procédure pénale autorise cependant les juridictions répressives à accorder des dommages-intérêts malgré une relaxe pour des infractions non intentionnelles. Mais toujours sous réserve, s’agissant des agents publics, qu’une faute personnelle leur soit imputée.

La cour d’appel de Poitiers avait retenu, s’agissant du permis de construire délivré par l’adjointe pour une maison en violation des règles de sécurité, que :

  • « cette autorisation était porteuse de risques identifiés au niveau de la sécurité, en particulier un risque majeur d’inondation » ;
  • « et que le manque de curiosité de la prévenue et l’absence d’investigation consécutive sur le sens de la nouvelle mention portée sur le permis de construire constituent des négligences fautives ».

Pour autant, les juges excluaient en son encontre l’existence de faute personnelle dès lors :

  • que « c’est dans ses fonctions d’autorité dispensatrice d’une autorisation administrative que cette faute a été commise » ;
  • que l’élue « n’a pas agi avec intention de nuire » ;
  • « qu’il n’est pas non plus établi qu’elle en ait tiré un avantage personnel ou qu’elle ait poursuivi un but étranger au service, son manquement, favorisé par les erreurs de tiers, n’étant pas délibéré ».

Et les juges d’en conclure que l’élue n’avait « pas excédé les moyens et limites du service public qu’elle exerçait et que sa faute n’est donc pas détachable du service public de maire adjoint à l’occasion duquel elle a été commise ».

Là encore la Cour de cassation confirme l’arrêt en soulignant « l’absence d’intérêt personnel de la prévenue à la signature du permis de construire ».

La chambre criminelle confirme ainsi, de manière explicite, que la recherche d’un intérêt personnel constitue, à ses yeux, un critère déterminant pour caractériser l’existence d’une faute personnelle à l’encontre d’un élu ou d’un fonctionnaire. La chambre civile, dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’État, est sur une toute autre position en considérant qu’un agent public peut engager son patrimoine personnel s’il a commis une faute d’une particulière gravité. Et ce même s’il n’a pas recherché d’intérêt personnel. À suivre…

Ce qu’il faut en retenir :

  • Les juridictions judiciaires ne peuvent condamner personnellement un élu ou un agent à indemniser une victime que s’ils caractérisent à leur encontre l’existence d’une faute personnelle.
  • Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation une faute personnelle suppose une intention de nuire ou la recherche d’un intérêt personnel. Même si la faute d’imprudence imputée à l’élu (ou au fonctionnaire) est d’une particulière gravité, il ne peut engager son patrimoine personnel dès lors qu’il n’a pas causé volontairement le dommage, ni recherché un intérêt personnel.
  • La chambre civile de la Cour de cassation et le Conseil d’Etat considèrent, pour leur part, qu’un agent public peut commettre une faute personnelle (et donc engager son patrimoine personnel) s’il a commis une faute d’une particulière gravité et ce même s’il n’a pas recherché d’intérêt personnel.

_____________

 

Références :

Cour de cassation, chambre criminelle, N° 16-83432

Article 470-1 du code de procédure pénale

 

 [1] Laquelle exerce, par ailleurs, la profession d’agent et de promoteur immobilier.

 [2] Fils de l’adjointe à l’urbanisme et lui-même agent immobilier.

 [3] Tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne, 12 décembre 2014, n° 877/2014 Un commentaire du jugement par Marie-France Steinlé-Feuerbach (Professeur émérite, Directeur honoraire du CERDACC) est publié sur le site internet du Journal des Accidents et des Catastrophes.

 

[4] Cour d’appel de Poitiers, 4 avril 2016, N° 16/00199. Un commentaire de l’arrêt par Marie-France Steinlé-Feuerbach (Professeur émérite, Directeur honoraire du CERDACC) est publié sur le site internet du Journal des Accidents et des Catastrophes

 [5] Il était reproché à ces sociétés dont l’une était sous-traitante de l’autre d’avoir, par l’intermédiaire de leur gérant (également conseiller municipal), édifié une maison de la famille de plain-pied, à moins de 20 centimètres au-dessus de la cote de référence du projet de plan de prévention des risques inondation (PPRI) de l’estuaire, approuvé par anticipation le 8 juin 2007. En première instance la société sous-traitante avait été relaxée au contraire de la société de construction qui avait été condamnée (les juges du tribunal correctionnel relevant que c’est elle qui a réalisé les plans, déposé la demande de permis de construire, dirigé les travaux, et connaissait la nature de la prescription du permis de construire). Mais la cour d’appel relève que le projet de PPRI ne comportant pas de référence chiffrée, le gérant des sociétés s’était renseigné et, n’ayant pu obtenir de réponse de la part de la mairie et de la direction départementale de l’équipement, s’en était remis au permis de construire, délivré conformément à la proposition du service instructeur de cette direction. Bien que membre de la commission d’urbanisme, sa connaissance quant à l’altimétrie exigée par le PPRI, ne peut être présumée. D’où la relaxe des deux personnes morales par application de l’article 121-2 du code pénal.

 [6] Les juges relèvent en effet qu’aucune disposition législative, réglementaire ou statutaire n’imposaient à l’association d’organiser une surveillance visuelle de la digue, qu’elle soit permanente ou ponctuelle pendant les tempêtes ou les grandes marées, pour le cas où des débordements viendraient à se produire. La circonstance que le prévenu avait commencée, mais non achevée, l’accomplissement des formalités administratives, est jugée sans lien de causalité avec les dommages causés lors de la tempête. En effet, ne faisant pas partie de l’équipe municipale, il n’était pas destinataire des bulletins d’alerte et n’avait pas eu les informations nécessaires à la connaissance du risque majeur d’inondation encourue

 [7]    Il était reproché à celle-ci d’avoir signé, en tant qu’adjointe au maire délégataire, pour une maison d’habitation, un permis de construire violant les règles de sécurité et d’avoir donné en location, en sa qualité de promoteur et d’agent immobilier, une maison construite en violation des règles de sécurité. Pour le premier point, la cour d’appel stigmatise le comportement des services de l’Etat qui ont donné des avis favorables à des permis de construire non conformes aux préconisations du PPRI. Ainsi, le dysfonctionnement manifeste des services de l’Etat exonère l’élue. S’agissant du deuxième point, les juges d’appel excluent que la prévenue ait eu conscience d’exposer ses locataires à un danger : « On peut dès lors supposer, compte-tenu de sa pratique professionnelle de promoteur et d’agent immobilier, que si elle avait eu conscience qu’elle exposait physiquement ses locataires, ou plus prosaïquement qu’elle compromettait son investissement financier et risquait de voir sa responsabilité mise en cause, elle n’aurait jamais fait construire une habitation dans cette zone et ne l’aurait jamais donnée en location ».

 [8] Les fautes de services de l’Etat étant sur ce point jugées déterminantes aux yeux des juges d’appel : si la cour d’appel concède que « juridiquement, la mise à disposition des services préfectoraux intervenue n’a opéré aucun transfert de compétence quant à la charge de la décision finale », elle n’en souligne pas moins « qu’en se remettant à l’Etat, dans le cadre d’une procédure légalement prévue, [le maire] n’a pas commis de faute caractérisée ».

 [9]

  • absence d’information de la population sur les risques naturels connus dans la commune, les mesures de prévention des risques, les modalités de l’alerte, l’organisation des secours et les mesures prises par la commune pour gérer le risque ;
  • absence de l’information biennale de la population exigée par l’article L. 125-2 alinéa 2 du code de l’environnement
  • défaut d’établissement du DICRIM, document rendu obligatoire par le code de l’environnement suite à la prescription du PPRI ;
  • défaut d’installation des repères de crue ;
  • défaut d’élaboration de diagnostic de vulnérabilité des habitations situées derrière la digue ;
    défaut d’information des risques réels et sérieux d’inondation dès le 26 février 2010 à l’annonce de la
  • survenance de la tempête ;
  • absence d’établissement d’un Plan de secours pour la commune ;
  • absence d’établissement d’un Plan communal de sauvegarde (PCS) ;
  • absence d’organisation d’un dispositif particulier de surveillance de la digue entre le 27 et le 28 février 2010.

 [10] Lire à ce sujet l’article de Manuel Carius (Maitre de conférence en détachement judiciaire), « La gravité de la faute personnelle de l’agent public à l’épreuve du dualisme juridictionnel », AJFP Janvier/Février 2018 p.6.

 [11] Conseil d’État, 26 juillet 1918, Époux Lemonnier.

 [12] Les juges toulousains ajoutaient : « que le manquement au devoir professionnel se distingue alors et se détache de l’acte administratif ; qu’assurément, toute faute n’enlève pas à l’acte du fonctionnaire son caractère administratif, mais qu’il faut, pour qu’il en soit ainsi, que la faute soit lourde, et de celles que les jurisconsultes ont coutume d’assimiler au dol ; que, spécialement, le fonctionnaire qui doit assurer l’observation de la loi n’est pas, lorsqu’il la viole lui-même, considéré comme accomplissant un acte de sa fonction ; que le sieur L…, chargé d’assurer la sécurité de ses concitoyens, avait gravement manqué à son devoir, en autorisant l’établissement d’un tir dans des conditions telles que les projectiles devaient, si le but n’était pas atteint, frapper la rive opposée et menacer les promeneurs ; que si, les années précédentes, les tirs avaient été installés au même endroit, le danger était moindre, une allée n’étant pas alors aménagée sur l’autre rive et ouverte au public ; qu’averti, au milieu de la journée, que les balles des tireurs arrivaient jusqu’aux promeneurs, le sieur L…, au lieu de mettre le tir en interdit, prit des dispositions qui n’atténuèrent qu’insensiblement le risque ; que rien ne peut excuser une pareille imprudence ; que l’intimé s’est rendu coupable d’une véritable infraction à la loi pénale pouvant être qualifiée de blessure par imprudence ; que cette faute se détache nettement de l’exercice de sa fonction, et doit être sanctionnée par la juridiction civile ; que la Cour doit donc se déclarer compétente et évoquer le fond »

 [13] Il s’agissait des poursuites exercées contre des fonctionnaires de la DGSE qui, sur ordre du président de la République, avaient placé illégalement sur écoutes téléphoniques des personnalités.

 [14] Plusieurs procédures sont en cours devant les juridictions administratives.

 [15] Rappelons que cette circonstance n’exclut pas pour autant la recherche de la responsabilité personnelle du maire mais autorise les victimes à rechercher celle de la commune au titre de la faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service.

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