Le projet de loi Engagement et proximité adopté au Sénat

23 octobre 2019

Le Sénat a adopté mardi 22 octobre, à la quasi unanimité, le projet de loi Engagement et proximité. Les Sénateurs ont beaucoup amendé le projet de loi initial avec de nombreuses avancées comme la création des conférences des maires. Le texte va désormais être examiné par l’Assemblée nationale. Igor Semo qui était auditionné jeudi 24 octobre au nom de l’APVF a l’Assemblée nationale, a pu rappeler les attentes des élus petites villes sur ce texte, notamment en matière d’indemnités.

Le gouvernement a souhaité avec ce texte agir sur deux leviers en redonnant de la liberté aux élus locaux et en levant les freins qui peuvent exister à l’engagement.

L’APVF avait formulé, en amont, un certain nombre de propositions. Plusieurs d’entre elles ont été entendues et reprises par le gouvernement. Ce texte va donc, de notre point de vue, globalement dans le bon sens. En revanche, il ne va pas suffisamment loin notamment sur la question du statut de l’élu (indemnités, gestion de la fin de mandat, responsabilité pénale des élus).

 

Une modernisation des conditions d’exercice des mandats

Le projet de loi rend obligatoire la formation de tous les nouveaux élus, y compris celle des conseillers municipaux sans délégation. Le droit individuel à la formation (DIF) est remplacé par le compte personnel de formation comme pour le reste de la population active. L’expérience acquise au cours du mandat pourra être prise en compte dans le cadre d’une validation des acquis de l’expérience (VAE).

Le texte étend aux communes de moins de 1 000 habitants le congés électifs (10 jours de congés sans solde) accordés aux salariés pour mener une campagne lors des élections municipales.

Des mesures sont également instaurées pour renforcer la sécurité des élus. Les communes auront l’obligation de contracter une assurance pour une protection juridique du maire en cas de litige dans le cadre de son mandat. Cette mesure pourrait, comme le souhaite les sénateurs, être étendue aux adjoints et pris en charge par l’Etat pour les communes de moins de 3 500 habitants.

Par ailleurs, en marge de l’examen du projet de loi et suite au décès tragique du maire de Signes dans le Var, la commission des lois du Sénat a formulé plusieurs propositions dans un courrier au Ministre pour renforcer la sécurité des maires dans l’exercice de leur mandat.

 

Indemnités, fin de mandant, responsabilité pénale : il faut aller plus loin

Le projet de loi rend possible la prise en charge, par la collectivité, des frais de garde d’enfants ou d’ainés lors des réunions obligatoires.

En revanche, sur la question des indemnités, pour l’APVF, le compte n’y est pas.

Le texte se concentre exclusivement sur les indemnités des maires et des adjoints des communes de moins de 3 500 habitants avec une augmentation des plafonds d’indemnités de 50% pour les communes de moins de 500 habitants, de 50% pour les communes de 500 à 999 habitants et de 20% pour les communes de 1 000 à 3 499 habitants.

Or comme le souligne l’APVF, c’est souvent dans les petites villes qu’il est le plus difficile pour un maire et pour ses adjoints de concilier un mandat local avec l’exercice d’une activité professionnelle, même à temps partiel. Les maires des petites villes doivent gérer une administration importante, font face à des problématiques de plus en plus complexes et engagent régulièrement leur responsabilité politique mais aussi pénale. La plupart des maires de petites villes touchent aujourd’hui une indemnité inférieure à 2 000€ net par mois, soit moins que le revenu moyen des français.

C’est pourquoi l’APVF demande que les strates démographiques entre 3 500 et 19 999 habitants soient fusionnées et que le plafond de l’indemnité pour les maires de ces communes soit porté à 80% de l’indice 1015 du cadre d’emploi des DGS (soit 3 096€ bruts par mois). Christophe Bouillon, a d’ailleurs, adressé le 8 octobre un courrier à Sébastien Lecornu sur la question des indemnités.

De même, l’APVF regrette que le texte Engagement et proximité ne prévoit rien pour clarifier les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des élus ou sur la gestion de la fin de mandat et le retour à la vie professionnelle. C’est seulement en portant des mesures fortes sur ces sujets que nous pourrons répondre à la crise des vocations et de l’engagement, et rendre plus attractif le mandat politique local.

 

Davantage de souplesse, notamment dans la gouvernance de l’intercommunalité

Il existe parfois un sentiment de dépossession des maires face à l’importance grandissante du rôle des intercommunalités dans la gouvernance locale. Le texte répond en partie à cette problématique.

Ainsi, une conférence des maires pourra être créée au sein des intercommunalités. Un amendement a été adopté en première lecture pour rendre cette instance obligatoire « sauf lorsque le bureau de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres ». L’APVF se félicite tout particulièrement de l’adoption de cet amendement qui répond à une demande historique des maires de petites villes indispensable pour restaurer des relations de confiance entre communes et intercommunalités. De même, comme le souhaitait l’APVF, les conseillers communautaires auront la possibilité d’être représentés par des élus de leur commune lors de certaines réunions intercommunales.

Le texte rend plus simple le changement d’intercommunalité pour une commune qui le souhaiterait ou encore la scission d’une intercommunalité en deux EPCI distincts à condition de respecter les seuils. Toute modification de la carte intercommunale devra désormais faire l’objet d’une étude d’impact préalable.

En revanche, le gouvernement a rejeté l’élection des membres du bureau des intercommunalités au scrutin de liste sans panachage ni vote préférentiel proposée par les sénateurs.

Les maires auront la possibilité de saisir le Préfet pour avis sur la légalité d’un projet d’acte en amont. Sur cette mesure, l’APVF est circonspecte. En effet, si tant est que les préfectures disposent des moyens humains et de la volonté de se prononcer, le respect de ce rescrit empêcherait certes la saisine du juge administratif par le Préfet mais n’empêcherait ni la saisine du juge administratif par  d’autres requérants ni l’engagement de la responsabilité des maires devant le juge pénal.

Le texte intègre également une forme de souplesse dans la répartition des compétences entre commune et intercommunalité. Le projet de loi intègre la possibilité pour les intercommunalités de déléguer aux communes ou à un syndicat les compétences eau et assainissement. Cette mesure de souplesse est nécessaire du point de vue de l’APVF mais n’est pas suffisante. Les sénateurs ont tenté de supprimer le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux EPCI, cet amendement a fait l’objet d’un amendement de suppression de la part du gouvernement.

Les communes « station de tourisme » auront la possibilité de récupérer la gestion de leur office de tourisme afin de promouvoir et de valoriser leur patrimoine.

La création d’une conférence de dialogue État-collectivités sur les normes, dans chaque département, proposée par les sénateurs n’a, en revanche, pas fait l’objet d’un amendement de suppression de la part du gouvernement.

Au-delà de la question intercommunale, le texte ajoute de la souplesse en relevant le seuil en dessous duquel les marchés sont passés sans formalités de 25 000 à 35 000€ HT. L’APVF est favorable à ce relèvement de seuil qui devrait permettre d’accélérer les procédures tout en garantissant une transparence dans l’attribution des marchés.

 

Les pouvoirs de police du Maire accentués

Pour faire appliquer ses décisions, le maire pourra prononcer des astreintes jusqu’à 500€ par jour de retard contre les gestionnaires d’ERP. Il ne sera donc pas nécessairement contraint de faire appel au Préfet et de demander le concours de la force publique pour faire exécuter un arrêté.

De même, le pouvoir de fermeture administrative des débits de boisson pour des motifs d’ordre public pourra être transféré au maire.

Des amendements ont été déposés au Sénat afin que les maires soient systématiquement informés par le procureur de la République des suites judiciaires données aux infractions constatées par la police municipale.