3 questions à Marie-Ange DEBON, Présidente du Directoire de Keolis

8 septembre 2022

Marie-Ange DEBON, Présidente du Directoire de Keolis, revient cette semaine dans la lettre des petites villes sur les enjeux de mobilité qui traversent nos territoires et sur le partenariat mis en place entre l’APVF et Keolis pour y répondre. 

 

1) Quels sont selon vous les enjeux de mobilité du quinquennat à venir dans les territoires ?

Les transports publics et le développement de l’offre constituent une priorité nationale car ils permettent de répondre aux besoins quotidiens des Français et aux grands défis du pays.

Face à l’urgence climatique, à la crise du pouvoir d’achat avec l’envolée des prix de l’énergie, au besoin de cohésion territoriale et sociale et aux défis d’insertion et d’emploi, les enjeux de mobilité sont plus que jamais au cœur des préoccupations dans les territoires. Il s’agit de favoriser l’utilisation des transports publics principalement en soutenant le développement de l’offre, mais aussi en y renforçant la sécurité, et en accompagnant les efforts d’innovation et de verdissement des flottes.

Chez Keolis, les solutions que nous proposons pour les plus petites villes prennent en compte la diversité des configurations et les réalités territoriales. Qu’elles se situent en périphérie d’une grande ville ou dans un bassin de vie à dominante rurale, les réponses de mobilité sont définies en fonction de la densité des équipements, des caractéristiques de la population, résidente ou de passage. Les configurations morphologiques en particulier en zone de montagne ajoutent également une dimension particulière.

A Falaise près de Caen, à Bain de Bretagne à proximité de Rennes, à l’Arbresle ou Trévoux près de Lyon, à Château-Renault tout proche de Tours, ou encore à Ornans à proximité de Besançon, nous constatons notamment que ceux et celles qui y habitent et qui travaillent à l’extérieur sont moins nombreux que ceux et celles qui viennent y travailler. Et pourtant leur classement dans la couronne d’une grande ville donne l’impression que les flux domicile travail sont majoritairement sortants. Ces petites villes connaissent souvent une forte croissance démographique et aident ainsi à structurer le développement « périurbain » autour de la grande ville.

D’autre petites villes, plus éloignées de grands centres urbains jouent un rôle structurant dans un bassin de vie environnant à dominante rurale. Très souvent dans ce cas, le nombre de personnes âgées y est élevé et le nombre de ménages sans voiture peut y être relativement important (22% à Thiers ou à Lourdes, 25% à Saint-Dié des Vosges ou 27% à Fécamp par exemple).

La personnalisation des solutions de mobilité est donc essentielle, afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.

2) Pourquoi un partenariat avec les petites villes ? quels sont vos enjeux communs ?

Notre partenariat avec l’Association des Petites Villes de France permet d’adresser nos enjeux communs : mieux comprendre la diversité et la complémentarité des territoires pour y développer les solutions de mobilité les plus adaptées.

Keolis est le partenaire des décideurs publics qui souhaitent faire de la mobilité partagée un levier d’attractivité et de vitalité pour leur territoire. Keolis s’attache à une vision multimodale de la mobilité, sans opposer les modes entre eux mais en recherchant la meilleure complémentarité et la qualité des interfaces et des correspondances. Nous accompagnons les collectivités pour coconstruire avec elles des solutions de mobilité sur mesure pour répondre aux enjeux de leurs territoires. Keolis a notamment construit un outil de diagnostic d’attractivité des polarités qui permet de comparer les complémentarités spécifiques des différentes unités urbaines, analyses que nous partageons avec notre partenaire.

Le découpage en bassin de vie ne permet pas de refléter la diversité des besoins de déplacements en fonction des différents motifs, qui ne sont pas nécessairement quotidiens mais peuvent être hebdomadaires, mensuels, voire plus occasionnels et qui sont pourtant essentiels pour la qualité de vie des habitants. On observe ainsi une imbrication des différents bassins de vie, le bassin de vie autour de la petite ville permettant de satisfaire en général un certain nombre de besoins (accès à des médecins spécialistes ou à certaines enseignes commerciales, à des spécialités d’enseignements secondaire, professionnel, ou supérieur, à des loisirs culturels ou des activités sportives, à certains services administratifs).

Bien souvent la ville de taille moyenne ou la plus grande ville va jouer un rôle complémentaire (on trouvera l’hôpital, un nombre plus important de spécialistes et d’équipements, un certain nombre de lycées professionnels offrant une gamme plus complète et une plus grande diversité de choix dans le domaine du sport et de la culture).

Enfin, la métropole régionale (Montpellier, Clermont-Ferrand ou Caen par exemple) va jouer un rôle de chef de file pour l’enseignement supérieur, la présence d’un CHU avec une diversité et une densité de médecins plus élevées, une concentration d’équipements culturels ou de commerces qui vont les rendre indispensables d’accès.

 

3) La mobilité multimodale est-elle une solution pour répondre à ces enjeux communs ?

La mobilité des citoyens et des citoyennes qui habitent dans les petites villes ne se résume pas simplement à leurs déplacements au sein de leur bassin de vie, mais doit prendre en compte également les liaisons avec le réseau de petites villes et des villes moyennes complémentaires, mais aussi la possibilité de pouvoir rejoindre la grande ville à l’occasion.

Pour les déplacements de proximité, il faut arriver à conjuguer l’utilisation raisonnée de la voiture avec la possibilité de se déplacer à pied (pour des distances de l’ordre de 1 à 2 km dans des conditions de sécurité et d’agrément) ou à vélo. Des bus en complément peuvent permettre de ne pas assigner à résidence des personnes dont les fragilités physiques ou sensorielles ne sont pas nécessairement visibles mais qui les privent d’une utilisation régulière des transports (elles peuvent représenter près de 30 à 40% de la population d’une petite ville), sans oublier les 15 à 30% des ménages qui dans ces villes n’ont pas de voiture.

L’accès aux métropoles nécessite donc de concevoir des systèmes qui permettent de pouvoir combiner un accès à la gare de proximité et un service TER de qualité, proposant une flexibilité des horaires en particulier le week-end, des tarifs combinés et des prix mieux ajustés pour les non abonnés (à 50km d’une métropole, les personnes d’une petite ville qui y travaillent régulièrement sont très minoritaires par rapport à ceux qui se déplacent une ou 2 fois par mois et qui eux peuvent représenter un habitant sur 2).

C’est à ce prix que nous relèverons le défi qui nous anime passionnément et qui nous définit, à l’instar de notre Raison d’être : imaginer et déployer des mobilités sûres et durables au service de chaque territoire pour une meilleure qualité de vie de tous et de chacun.