Conférence financière des territoires : L’APVF demande un moratoire sur les charges contraintes

7 mai 2025

Après le Comité d’alerte du 15 avril, le gouvernement a réuni le 6 mai une conférence financière des territoires, sous l’égide du Premier ministre, François Bayrou, afin de définir avec les Associations d’élus la part de l’effort des collectivités dans la réduction du déficit public. Du moins, l’attente est forte de l’APVF, représentée par son Président Christophe Bouillon et son Premier vice-président, Antoine Homé, que cette contribution locale soit bien définie en concertation.

Etaient présents le Premier ministre, François BAYROU, et les  ministres de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique Éric LOMBARD, du ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation François REBSAMEN, de la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine VAUTRIN, de la ministre chargée des Comptes publics Amélie de MONTCHALIN, du premier vice-président de l’Association des Maires de France et Président du comité des finances locales André LAIGNEL, du président de Départements de France François SAUVADET, du président délégué de Régions de France Renaud MUSELIER, du président de l’Association des Maires Ruraux de France Michel FOURNIER, de la présidente de France urbaine Johanna ROLLAND, du président délégué d’Intercommunalités de France Sébastien MIOSSEC, du président de l’Association des Petites Villes de France Christophe BOUILLON, du président délégué de Villes de France Jean-François DEBAT, des présidents des délégations parlementaires aux collectivités et du président.

 

I/ Eléments de contexte :

Pour rappel, l’objectif du gouvernement est de réduire le déficit de 6 % d’ici à 2029, soit un effort d’1 % par an, pendant 5 ans. En 2025, l’effort d’économie est de 55 milliards d’euros (50 milliards en LFI 2025 + 5 milliards supplémentaires), il est estimé à 40 milliards d’euros en 2026. Le gouvernement souhaite une répartition équitable de l’effort et François Rebsamen insiste sur le caractère « juste et prévisible » de la contribution des collectivités territoriales.

Il ressort des différentes prises de parole ministérielles (comité d’alerte, 15 avril 2025), que la contribution des collectivités sera établie sur la base d’un diagnostic de leur santé financière. Il faut donc s’attendre à ce que les efforts se concentrent sur la strate la mieux portante (la commune est souvent présentée comme étant en bonne santé), d’où l’importance d’un diagnostic partagé et consensuel. Dans le cadre de sa dernière enquête, outre un état des lieux de la situation financière des petites villes, l’APVF a recensé un ensemble d’indicateurs de santé financière proposés et mobilisés par ses adhérents.

Eléments connus du contrat voulu par le gouvernement :

– le gouvernement souhaite ralentir la dynamique des dépenses de fonctionnement des collectivités (+ 3,9 % en 2024). Comment faire quand l’exécutif et le législateur imposent et gravent dans le marbre cette dynamique : hausse des cotisations CNARCL va entrainer une hausse progressive et pérenne de + 8 % de la masse salariale ! L’APVF souhaite un moratoire sur les dépenses contraintes.

– le gouvernement souhaite également prioriser les investissements d’avenir et simplifier les soutiens de l’Etat. Cette simplification des financements de l’Etat, l’APVF l’appelle de ses vœux depuis longtemps, et notamment la limitation des appels à projet.

– le gouvernement souhaite limiter « le coût des normes » pour les collectivités (pour rappel, le seul impact budgétaire des normes d’accessibilité avait été estimé à 15 milliards d’euros). A noter également, le coût de l’enchevêtrement des compétences entre collectivités territoriales qui, selon le rapport de Boris Ravignon, coûterait 7,5 milliards d’euros chaque année, soit 0,3% du PIB.

– le gouvernement s’engage à donner une visibilité pluriannuelle sur les recettes des collectivités. Cette visibilité et prévisibilité est indispensable aux élus locaux dont la gestion pluriannuelle est calée sur la durée du cycle municipal, contrairement à l’Etat qui travaille dans l’annualité budgétaire. Le respect des programmes pluriannuels d’investissement, qui traduisent un engagement fort des équipes municipales à l’égard de la population, mais également de l’Etat dont les collectivités locales sont les bras armés et la vitrine sur le territoire (rappelons qu’elles portent 70 % de l’investissement).

 

II/ Grandes tendances :

L’APVF représente les petites villes comprises entre 2 500 et 25 000 habitants. On compte 4 000 petites villes pour une population totale de 26,3 millions d’habitants, soit 39 % de la population nationale. Dynamisme dans les villes de plus de 10 000 hab., mais strate marquée par le vieillissement.

*Avec un budget total de 41 milliards d’euros, notre strate porte 1/3 de l’investissement total du bloc local (10,3 milliards d’euros en 2023) et 70 % de l’emploi industriel. Les petites villes demeurent un levier incontesté du développement et de l’aménagement durable du territoire.

*En outre, nous sommes de « bons gestionnaires » :

– avec une évolution maîtrisée de nos dépenses de fonctionnement en moyenne sur 10 ans de + 1,2 % /an.

– un encours de dette en diminution constante depuis une dizaine d’année, qui représente 8 % de l’endettement public local.

Premiers résultats de notre enquête sur la situation financière des petites villes (200 rép.) :

*Un effet ciseau dans les petites villes qui est perceptible en 2024 et qui se confirme en 2025, avec une hausse marquée des dépenses contraintes pour 80 % d’entre elles et une moindre dynamique des ressources (voire une diminution pour 30 % des petites villes) pour y faire face.

*Un tiers des petites villes subissent une baisse de leur épargne brute, et donc une dégradation inquiétante de leur situation financière.

Rappeler le lien étroit entre « capacité financière de faire » et démocratie locale :

*Les maires des petites villes ont le sentiment de ne plus avoir les moyens financiers et juridiques d’agir, ni les compétences pour mener à bien leur mandat et conduire une politique locale autonome.

* « La perte de marge de manœuvre financière » : une raison de plus en plus invoquée par les maires n’ayant pas souhaité se représenté en 2020. Ils demeuraient 26,5% à mettre en avant la perte de marge de manœuvre financière pour expliquer leur choix et pour 20%, le manque de considération de l’Etat.

* Conséquence : pas encore de crise des vocations, car 2/3 des maires devraient se représenter en 2026, mais un « ras-le-bol » exprimé, y compris chez les jeunes élus, avec un risque de réel de « black-out territorial » (rappeler qu’en 2023, 3 % des maires ont démissionné, dont Camille Pouponneau, ancienne maire de Pibrac, qui vient de publier son livre « Maires, le grand gâchis »).

* Chiffre intéressant tiré d’un sondage du conseil des prélèvements obligatoires sur la confiance pour gérer l’argent public : les communes bénéficient de la plus grosse cote de confiance (68,4%), contre seulement 32,4% pour l’Etat (cote la plus faible).

 

III/ Principales demandes :

1) Le cadre budgétaire actuel ne répond pas au besoin de visibilité et de prévisibilité des élus

 * Les règles du jeu changent constamment, sont illisibles et sont contestables du point de vue de leur légitimité :

– Alors que la trajectoire de 3 % de déficit public a été repoussée de 2027 à 2029 à l’automne 2024, que l’on évoque en avril 2025 une moindre dégradation du déficit public 2024 (-5,8 % au lieu de -6,1%), on évoque un objectif de 4,6 % de déficit public en 2026 supposant 42 milliards d’euros d’économie. Ces 4,6 % ne figurent pas dans la dernière loi de programmation, mais dans le plan budgétaire et structurel à moyen terme, PSMT pour 2025-2029. Ce document constitue une simple feuille de route du gouvernement sans aucune portée normative, et non soumis au contrôle démocratique.

– Les élus locaux digèrent à peine le budget 2025 et les montants de leur contribution au Dilico, qu’ils sont plongés dans un nouveau climat d’incertitude. Bientôt, leurs décisions budgétaires modificatives concerneront l’année en cours, mais aussi, et par anticipation, l’année suivante…

– Des erreurs de prévision à répétition qui ne facilitent pas la compréhension et l’acceptabilité des efforts demandés : pour rappel, à peine la loi de finances pour 2024 votée, le gouvernement Attal avait adopté un décret annulant 10 milliards d’euros de crédits afin de tirer les conséquences de la révision à 1 % de la prévision de croissance…

* Une répartition des efforts d’économie arbitraire qui ne repose sur aucun principe clair :

– Selon les annonces, les collectivités territoriales participerait à l’effort global de 40 milliards d’euros à hauteur de 8 milliards d’euros (chiffre qui lui, n’est visé par aucun document officiel), soit 20 % de l’effort, alors qu’elles ne sont responsables que de 8 % de la dette publique.

– Alors que l’Etat creuse le déficit public, les collectivités l’atténuent en dégageant des excédents.

– Le périmètre et la définition des efforts n’est pas stabilisé : la loi de finances pour 2025 a établi la participation officielle des collectivités à 2,2 milliards d’euros, sans intégrer la mesure la plus impactante pour les budgets locaux, à savoir la hausse de 12 points de la cotisation à la CNRACL (un effort à terme de 1,2 milliard d’euros par an rien que pour la strate des petites villes, l’équivalant de 15 ETP !).

2) Un système à bout de souffle qui appelle une remise à plat des relations financières Etat-collectivités et des finances locales

Les propositions de l’APVF vise à redonner de la visibilité et de la prévisibilité aux élus locaux pour un apaisement des relations financières entre Etat et collectivités, mais également à rendre des marges de manœuvre aux collectivités territoriales afin qu’elles puissent gérer les aléas en responsabilité et sans dégrader la qualité du service public (de plus en plus menacée).

  • de la visibilité sur le moyen terme:
    • au sein du budget de l’Etat, créer une mission budgétaire qui rassemble l’ensemble des crédits versés par l’Etat aux collectivités afin de renforcer le débat parlementaire sur les crédits alloués aux collectivités, tout en offrant une plus grande visibilité sur les financements afférents et facilitant le contrôle de la réalisation du contrat financier,
    • un engagement de l’Etat sur plusieurs années à maintenir le niveau de la dotation globale de fonctionnement et des dotations de soutien à l’investissement. Prendre pour référence la durée du mandat municipal, soit une période de 5 ans à compter de 2026.
  • de la prévisibilité dans leurs recettes, mais également leurs charges:
    • pas de charges nouvelles sans moyens suffisants de les assumer,
    • pas de nouvelles compétences sans moyens suffisants de les assumer,
    • rendre des marges de manœuvre aux collectivités pour la gestion des aléas,
    • privilégier des compensations par de la fiscalité transférée dynamique plutôt que par des dotations (qui augmentent la dépendance des collectivités à l’Etat et qui ne sont jamais garanties dans le temps),
    • pas de nouvelles suppressions d’impôts locaux,
    • mener à son terme la révision des valeurs locatives,
    • engager un Roquelaure de la fiscalité locale,
  • des engagements réciproques :
    • à chaque effort demandé aux collectivités pour améliorer le solde public, doit être associé un effort de l’Etat au titre de la simplification.