Écouter et décider : la fonction de maire est-elle encore désirable ?

17 juin 2025

Clap de fin pour les travaux des 27e Assises de l’APVF, avec une table ronde au titre évocateur : « Écouter et décider : maires de petites villes de demain, une fonction désirable ? » Une question d’actualité tant le rôle de maire, tout particulièrement dans les petites villes, semble aujourd’hui tiraillé entre épuisement démocratique, responsabilités croissantes et attentes sociétales démultipliées. Mais ce qui a dominé les échanges, c’est l’attachement viscéral à cette fonction, et l’envie de la réinventer pour mieux l’assumer.

Pour Daniel Cornalba, maire de L’Étang-la-Ville et membre du bureau de l’APVF, le sentiment d’utilité et la lassitude ne s’excluent pas. Ils cohabitent. Car si les petites villes sont, par leur agilité, des sources de solutions, elles sont aussi les premières à subir les injonctions contradictoires, qu’elles soient réglementaires ou budgétaires. Une tension permanente entre proximité concrète et cadre normatif rigide.

Emmanuelle Gazel, maire de Millau, a quant à elle défendu une vision profondément démocratique du mandat local. Pour elle, écouter ceux qui ne s’expriment pas est devenu un impératif. Cela passe par des outils innovants comme le tirage au sort, ou encore la votation citoyenne, utilisée dans sa commune pour soumettre la programmation pluriannuelle d’investissement (PPI) au débat public. Résultat : une effervescence civique, mais aussi une clarification démocratique pour savoir si un projet porté est réellement partagé.

Laurence Porte, maire de Montbard et vice-présidente de l’APVF, a apporté un éclairage subtil sur la démocratie participative, qu’elle voit non pas comme une remise en cause du mandat, mais comme un complément qui en redéfinit les contours. Car écouter ne veut pas dire se dissoudre dans la volonté générale. L’élu reste le mandataire d’un mandat clair, avec la responsabilité de trancher, parfois contre les vents dominants.

Un témoignage fort et très personnel est venu de Camille Pouponneau, ancienne maire de la petite ville de Pibrac et auteure de Maire, le grand gâchis. Avec une grande émotion, elle a souhaité mettre en lumière les raisons de sa démission, espérant que son livre ait pu faire écho à d’autres parcours similaires. Bien qu’issue du milieu politique, elle n’avait pas anticipé le profond sentiment d’impuissance qui allait marquer son mandat. Pour elle, ce malaise s’explique par trois facteurs structurants : le poids de l’intercommunalité – en l’occurrence celui de la métropole de Toulouse –, la pression normative, et la baisse continue des moyens alloués aux services publics. « Être maire, c’est comme être chef d’entreprise, mais sans les leviers pour agir », a-t-elle résumé.

Enfin, Françoise Gatel, ministre déléguée à la ruralité, a accepté de conclure les échanges en saluant l’intitulé même de la table ronde, soulignant que l’écoute et la décision ne sont pas incompatibles, mais les deux piliers du mandat local. Elle a rappelé combien la crise sanitaire a faussé le début de mandat de nombreux élus, et listé les raisons de la complexité croissante de leur tâche : l’empilement des normes, souvent uniformisantes au détriment de la liberté d’action locale, et le changement du rapport citoyen-institution, avec une population de plus en plus exigeante, parfois consumériste. C’est pourquoi le gouvernement souhaite renforcer l’État déconcentré, pour mettre fin aux voix discordantes de l’administration, et construire une relation plus lisible et plus efficace entre l’État et les élus.