
C’est une image familière, qui inaugure cette quatrième et dernière table ronde de la journée des Assises de l’APVF: celle d’une rue commerçante animée, humaine, où l’on flâne autant qu’on achète. Mais ce tableau s’est fissuré. La vacance commerciale, les mutations des modes de consommation, les freins à l’installation des indépendants redessinent les cœurs de ville. Alors, comment réinventer le commerce dans les petites villes sans renoncer à leur âme ? À cette question, les intervenants n’ont pas répondu par des incantations, mais par une série de leviers très concrets.
Pour Nicolas Paget, maire de Courthézon, avant même de parler vitrines, il faut poser les fondations du commerce de demain : le triptyque “cadre de vie, mobilité, sécurité”. Ce n’est que lorsque ces trois éléments convergent que l’on peut espérer attirer de nouveaux commerçants. Encore faut-il lever deux freins majeurs : le coût d’entrée dans le métier et les obstacles réglementaires, souvent trop lourds pour les indépendants.
À Saint-Jean-d’Angély, Françoise Mesnard, la Maire, a choisi d’agir sans attendre, en mobilisant tous les leviers de revitalisation disponibles du programme Petites Villes de Demain à la reconquête des pas-de-porte vacants. L’enjeu : redonner confiance aux habitants et aux porteurs de projets.
Du côté des acteurs économiques, Jean-Luc Chauvin, président de la CCI Aix-Marseille-Provence, a rappelé un chiffre frappant : le chiffre d’affaires du commerce dépasse celui de l’industrie, et pourtant, 33 % de ce chiffre est concentré dans seulement 1 % des points de vente. Une concentration qui traduit bien le déséquilibre territorial. Pour lui, les mutations du secteur n’expliquent pas tout : les communes ont un rôle clé à jouer, par leur politique foncière, leur fiscalité, et surtout leur volonté. La vacance commerciale reste stable autour de 10 %, ce qui montre qu’on peut agir, à condition d’adapter les loyers et d’imaginer de nouvelles expériences client.
C’est justement ce que défend Gisèle Rossat-Mignod, Directrice des affaires publiques de la Banque des Territoires. Si la BdT accompagne les élus sur la question du commerce, c’est qu’elle y voit un outil de cohésion sociale et territoriale. Les commerces ne s’installent pas seulement là où il y a du flux : ils prospèrent en complément d’autres services, dans un écosystème complet. Il faut, selon elle, accepter la rétractation des parcours marchands traditionnels, mais en recomposant des centralités moins consuméristes, plus ludiques et plus mixtes.
Enfin, Dominique Consille, directrice des programmes Petites Villes de Demain (PVD) et Action Cœur de Ville (ACV) au sein de l’ANCT, a élargi le propos : il ne suffit pas de baisser les loyers, il faut aussi interroger l’emplacement même des commerces, leur intégration dans le tissu urbain, leur accessibilité à pied, en vélo, en transports en commun.
La ville de demain se dessine à l’échelle du dernier mètre, celui qui fait la différence entre une vitrine qu’on regarde… et une porte qu’on pousse.