Une crise des finances publiques locales qui se généralise

19 juin 2025

La dernière séance du Comité des finances locales, qui s’est tenue le 18 juin à l’Hôtel de Roquelaure, était consacrée à la présentation du pré-rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) sur les comptes de 2024. Le constat est sans appel : après les régions et les départements, c’est au tour des communes de voir leur situation financière décliner.  

Comme l’a indiqué André Laignel, alors que l’exercice 2023 suscitait déjà des inquiétudes en raison d’une baisse sensible de l’épargne brute des collectivités (- 9,1 %),  avec l’année 2024, « l’alerte est complète, problématique et concerne tous les niveaux de collectivités ». Cette épargne brute s’est à nouveau contractée de – 7,3 % et se situe fin 2024 à un niveau moins élevé de 2,1 milliards d’euros par rapport à avant la crise sanitaire.

  1. Cadre général macroéconomique :

Selon les comptes nationaux publiés par l’Insee fin mai 2025, la croissance de l’économie française a continué de décélérer en 2024 : le PIB (en volume) a augmenté de + 1,2 % en euros constants, après + 1,4 % en 2023.

En 2024, le déficit public au sens de Maastricht atteint 168,6 Md€, soit 5,8 % du produit intérieur brut (PIB) après 5,4 % en 2023 et 4,7 % en 2022, soit une augmentation de 16,9 Md€.

Cette dégradation s’explique par un effet ciseau : les recettes des prélèvements obligatoires augmentent moins vite que l’activité en valeur, tandis que les dépenses de prestations sociales, soutenues notamment par des revalorisations fondées sur l’inflation 2023, accélèrent à 5,5 %. Ces facteurs sont toutefois atténués par la sortie progressive des mesures exceptionnelles prises face à la hausse des prix de l’énergie.

Le déficit de l’État, qui porte l’essentiel de ces mesures, s’établit à 152,5 Md€ (après 151,9 Md€ en 2023) et celui des organismes divers d’administration centrale (ODAC) est stable à 1,7 Md€.

Le déficit des administrations publiques locales (APUL) se dégrade et s’établit à 16,7 Md€ (après 9,5 Md€), dont  11,4 Md€ (contre 5,0 Md€ en 2023) pour les collectivités locales.

Les recettes des APUL progressent moins vite, de 2,2 % après + 4,2 % en  2023.

L’investissement ralentit mais reste dynamique selon le pré-rapport (+ 7,8 % après + 11,1 % en 2023), atteignant 67,9 Md€ (après 63,0 Md€ en 2023).

La dette publique s’élève à 113,2 % du PIB fin 2024, après 109,8 % fin 2023 et 111,4 % fin 2022.

La principale contribution à la dette, au sens du traité de Maastricht, d’un sous-secteur

est celle de l’État (+170,5 Md€ après 150,0 Md€), qui s’endette en titres de court et de long termes (+171,9 Md€). En parallèle, l’État rembourse des crédits de long terme (-1,4 Md€).

La contribution des APUL à la dette publique brute augmente plus fortement en 2024 qu’en 2023 (+13,8 Md€ après +5,2 Md€), principalement sous forme de titres de long terme (+ 6,1 Md€). Parmi les seules collectivités locales, la contribution des communes, des départements et des régions à la dette publique augmente (respectivement + 3,2 Md€, + 2,3 Md€ et + 3,4 Md€ après + 0,9 Md€, – 0,2 Md€ et + 1,2 Md€ en 2023), tandis que celle des syndicats des collectivités territoriales est stable.

  1. Focus sur la situation des communes :

Constat n° 1 : baisse de l’autofinancement pour les petites communes et les très grandes, atonie ou croissance pour les autres

En 2024, les dépenses de fonctionnement augmentent de + 4,2 % (+ 5,0 % en 2023) et les recettes de fonctionnement de + 3,0 % (+  5,6 % en 2023). Ces augmentations s’observent pour l’ensemble des strates de taille de communes, mais avec néanmoins des disparités.

Plus une commune est grande (hors Paris) moins ses dépenses de fonctionnement augmentent. Les évolutions des dépenses de fonctionnement des strates inférieures à 3 500 habitants sont comprises entre + 4,4 % et + 5 %.

Celles entre 3 500 et 100 000 habitants ont des évolutions plus faibles et variant entre + 3,1 % et + 4 %.

Les recettes de fonctionnement augmentent le plus pour les communes de taille moyenne. Les évolutions varient de + 1,7 % pour la strate de moins de 200 habitants jusqu’à + 4,1 % pour celle de 2 000 à 3 500 habitants.

Pour les strates allant de 3 500 à 50 000 habitants, les taux d’accroissement des recettes de fonctionnement diminuent avec la taille : ils s’élèvent à + 3,5 % pour la strate de 3 500 à 5 000 habitants et + 2,7 % pour celle de 20 000 à 50 000 habitants.

La strate de 50 000 à 100 000 habitants augmente plus fortement avec + 3,8 %.

Constat n° 2 : des dépenses de fonctionnement toujours à la hausse pour les communes

Les dépenses de fonctionnement connaissent une décélération de l’accroissement annuel depuis 2020.

Elles augmentent de + 4,2 % en 2024 après + 5,0 % en 2023 et + 5,9 % en 2022.

Dans le détail, les frais de personnel continuent de progresser (+ 4,3 % après + 3,6 % en 2023). Les achats et charges externes s’accroissent de +4,1 % soit moitié moins que les fortes hausses enregistrées en 2023 (+8,5 %) et 2022 (+11,1 %).

Le poste «énergie» n’augmente plus que de + 5,3 % au lieu de + 25 % en 2023 et + 30 % en 2022 dans un contexte de ralentissement de l’inflation.

En revanche, les primes d’assurances réglées accentuent leur dynamisme (+ 19,9% après + 11,4%) pour un total de 729 M€.

Les dépenses d’intervention continuent de s’accroître de +4,7 % comme en 2023.

Constat n° 3 : impôts directs en hausse et baisse sensible des impôts indirects

En 2024, les impôts directs augmentent de + 4,3 %, bien moins qu’en 2023 (+ 7,5 %). Cette hausse concerne toutes les strates de taille de communes avec une augmentation comprise entre + 5,5 % et + 6,2 % pour les strates inférieures à 5 000 habitants. Pour les strates supérieures à ce seuil, des évolutions dont l’intensité diminue avec la taille de la strate s’observent, allant de + 4,8 % pour la strate des 5 000 à 10 000 habitants jusqu’à + 3,3 % pour les deux strates supérieures à 50 000 habitants. Les produits de la taxe foncière progressent en 2024 de 5,2 %, ceux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires de 0,6 %.

Les impôts indirects connaissent une baisse sensible de – 6,4 % qui s’explique essentiellement par la chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en lien avec le recul des transactions immobilières en 2024. Toutes les strates sont concernées par cette baisse des impôts indirects, surtout les strates des petites communes de moins de 1 000 habitants, avec des évolutions entre – 12,9 % et – 10,8 %. Les strates supérieures ont des évolutions comprises entre – 4,4 % et – 9,1 %.

Les subventions reçues et participations sont globalement stables, en léger repli de – 0,3 %. Elles chutent fortement pour les strates de petites communes avec – 20,5 % pour les moins de 200 habitants, restent en évolution négative mais moins sensible pour les strates comprises entre 200 et 5 000 habitants.

En revanche, elles sont stables entre 5 000 et 50 000 habitants et n’évoluent positivement que pour les deux strates supérieures à 50 000 habitants.

Les autres recettes de fonctionnement, qui sont principalement composées des revenus des immeubles, des autres produits divers de gestion courante et des redevances versées par les fermiers et concessionnaires, augmentent pour toutes les strates de communes. Mais elles progressent particulièrement pour la strate des communes de 50 000 à 100 000 habitants avec + 24,4 %, principalement du fait de deux communes ayant multiplié par cinq et par neuf leurs autres recettes de fonctionnement.

Constat n° 4 : dynamisme des dépenses d’investissement, quelle que soit la strate de population pour les communes

Les dépenses d’investissement (hors remboursements de la dette) restent dynamiques pour la quatrième année consécutive. Elles ont augmenté en 2024 de + 9,5 % après + 9,4 % en 2023 alors même que l’effet prix, très marqué en 2022 et 2023, s’est nettement réduit en 2024. Comparativement à la même année située dans le cycle électoral précédent (2018) où l’accroissement était de + 5,9 %, cet accroissement est important en intensité.

Constat n° 5 : le délai de désendettement des communes se dégrade en 2024 dans certaines grandes communes et les plus petites

Le délai de désendettement (encours de dette rapportée à l’épargne brute) des communes augmente entre 2023 et 2024 de + 0,2 an. Il baisse pour les strates comprises entre 200 et 10 000 habitants et pour celles entre 50 000 et 100 000 habitants. Il augmente un peu pour les autres strates et surtout pour la strate des plus de 100 000 habitants avec + 2,8 ans y compris Paris (+ 0,4 an hors Paris).

Télécharger le pré-rapport 2025 de l’OFGL