
La conférence nationale Ambition France Transports, à l’initiative du Premier ministre François Bayrou, a été lancée à Marseille le 5 mai 2025. Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi Zulesi, adoptée en 2023, relative au déploiement des Systèmes Express Régionaux Métropolitains (SERM). Cette conférence a pour objectif de tracer des perspectives de financement des infrastructures de transport à horizon 2040, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et de renouvellement de concessions stratégiques notamment autoroutières.
Présidée par Dominique Bussereau, Ancien ministre et expert reconnu des politiques de mobilité, la conférence du financement des mobilités, qu’il préside, vise à faire émerger des scénarios viables de financement en matière de route, rail, et mobilités du quotidien. La conférence doit rendre ses conclusions fin juillet, selon le Gouvernement.
Passer la vitesse sur les investissements
Les inquiétudes dans le monde des transports se cristallisent autour d’un mur d’investissements identifié par les professionnels du secteur mais aussi les élus qui alertent sur les besoins colossaux, d’une part pour financer les transports collectifs appelés à se développer massivement afin de décarboner les déplacements, mais aussi pour entretenir des infrastructures (routes, rail, ponts, gares, etc.) vieillissantes et dont la dégradation s’accélère avec le changement climatique. En chiffres, l’état des lieux est inquiétant et montre des besoins criants d’investissements :
- 3,5 milliards d’euros par an : montant estimé nécessaire pour maintenir et développer les infrastructures de rail et de route d’ici 2040 ;
- Près de 50% du réseau routier est désormais jugé en état médiocre ou mauvais, selon les données consolidées de la FNTP ;
- Les investissements publics dans les infrastructures de transport ont baissé de 20% depuis 2012, particulièrement dans les zones rurales et les petites agglomérations ;
- Plus de 100 milliards d’euros de besoin global pour les AOM (hors Île‑de‑France) dont environ 60 milliards hors Île‑de‑France ;
- L’âge moyen du réseau ferroviaire français atteint près de 29 ans là où, en Allemagne, il est de 17 ans, et en Suisse, référence mondiale en la matière, 15 ans.
Réseau routier : alerte sur le macadam
Le réseau routier français repose majoritairement sur les épaules des communes et des intercommunalités, qui assurent l’entretien de plus de 65 % du linéaire total, soit plus de 700 000 kilomètres de routes et 120 000 ouvrages. Une charge de plus en plus difficile à assumer, dans un contexte de hausse continue des coûts d’entretien notamment en raison du dérèglement climatique (intempéries, chaleurs extrêmes, cycles gel/dégel), qui accélère la dégradation des chaussées. Faute de nouvelles recettes, certains élus redoutent une dégradation très significative du réseau routier local dans les années à venir.
Dans le même temps il faut rappeler que 90 % des déplacements des Français se font encore en voiture, ce qui rend le bon état du réseau routier indispensable, y compris en zone rurale ou périurbaine.
Enfin, que faire des 9 300 km d’autoroutes concédées (soit 75 % du réseau national) dont les contrats arrivent à échéance entre 2031 et 2036 ? Ce patrimoine pourrait devenir un levier majeur de financement des mobilités décarbonées, alors que l’État ne capte aujourd’hui que 36 % en moyenne des péages via la fiscalité, et que le coût de remise en état est estimé à 5 à 6 milliards d’euros par l’Autorité de régulation des transports.
Les petites villes : le rôle d’amortisseur
Les petites villes, au fort rôle de centralité, sont les premières pénalisées par l’insuffisance chronique d’investissements dans les infrastructures routières. Dans le modèle économique actuel, elles jouent le rôle d’amortisseur : les collectivités locales assument la charge croissante de l’entretien du réseau, tandis que l’État capte l’essentiel des recettes générées par son usage (taxes sur les carburants, immatriculations, amendes, péages…)
Une conférence sur l’ambition des transports ne saurait faire l’impasse sur les réalités du bloc communal, pilier des mobilités du quotidien et garant de l’égalité territoriale. La mobilité ne se résume pas aux grandes lignes ferroviaires ou aux enjeux strictement urbains : elle commence dans nos communes.
Avec la contraction continue des budgets des collectivités locales, le risque d’un effondrement de l’investissement dans les infrastructures de transport devient tangible. Si les communes et intercommunalités ne peuvent plus entretenir ni moderniser leur réseau routier, les conséquences seront multiples : frein au développement économique local, affaiblissement de l’attractivité des petites villes, déséquilibre de l’accès à l’emploi et fragilisation du tissu industriel et artisanal qui dépend directement de la mobilité des biens et des personnes.
Or, chaque euro investi dans les infrastructures génère de l’activité, de l’emploi local non délocalisable, et participe à la transition écologique. L’accessibilité des petites villes, condition de leur survie économique, sociale et démographique, repose d’abord sur des routes praticables et sûres. Ne pas investir aujourd’hui, c’est condamner demain les territoires à la relégation.
L’APVF appelle à une politique nationale qui prenne en compte les besoins de nos territoires : financement pérenne des infrastructures locales, ouverture de la compétence mobilité pour les EPCI volontaires, et association pleine et entière des élus aux grandes décisions nationales, qu’il s’agisse des SERM ou de l’avenir des concessions autoroutières.