
Le rapport de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins a été présenté le mercredi 9 juillet à l’Assemblée nationale. Après cinq mois d’auditions, les élus livrent un diagnostic sévère sur l’état du système de santé français, dénonçant des inégalités sociales, territoriales, statutaires et financières jugées « insupportables », et proposant notamment une restructuration des agences régionales de santé (ARS).
Pilotée par Jean-François Rousset (Ensemble pour la République) et Christophe Naegelen (LIOT), la commission avait été mise en place à l’initiative du groupe LIOT, usant de son droit de tirage. Son objectif affiché : « résoudre la crise » ou, à tout le moins, apporter des réponses concrètes aux difficultés d’accès aux soins rencontrées par les Français.
Le rapport pointe notamment la désertification médicale : environ 11 % de la population vit aujourd’hui dans un territoire en situation de désert médical avancé. Les causes identifiées remontent à plusieurs décennies, notamment à la politique de régulation des effectifs médicaux : en 1973, la France formait environ 7 500 médecins par an, contre moins de 4 000 entre 1983 et 2003, avec un point bas à 3 500 en 1993. À cela s’ajoutent un vieillissement démographique, l’évolution des attentes des jeunes médecins en matière de temps de travail, et une multiplication des départs d’étudiants en santé à l’étranger.
Si la suppression du numerus clausus en 2020 et son remplacement par le numerus apertus devrait, à terme, augmenter le nombre de praticiens formés, les effets ne seront visibles qu’au bout de plusieurs années, la durée moyenne de formation restant de dix ans. Le rapport table ainsi sur 33 000 nouveaux médecins dans les trois prochaines années, en incluant ceux formés à l’étranger.
La commission propose plusieurs mesures structurantes : réduction de la durée des études de médecine générale à huit ans par suppression de la quatrième année, condensation des trois premières années en deux ans, et recours accru aux passerelles. Plus innovant, elle recommande une alternance en cabinet pour les futurs médecins généralistes, afin de faciliter le transfert de patientèle et l’ancrage territorial.
L’organisation du système de santé est également ciblée. Selon Christophe Naegelen, les ARS sont devenues des structures « déconnectées complètement des préoccupations des concitoyens et des professionnels de santé ». Trop dispersées entre de multiples compétences, elles devraient, selon lui, se recentrer sur l’offre de soins, avec une redistribution des autres missions aux collectivités ou à d’autres administrations. La commission préconise en parallèle la création d’un sous-préfet délégué à l’accès aux soins au niveau départemental.
Le rapport aborde aussi les déséquilibres entre secteur public et secteur privé, dénonçant une forme de concurrence déloyale. Selon le rapporteur, certains établissements privés privilégient les activités les plus lucratives, concentrées sur les horaires de jour, tandis que la charge des soins non programmés pèse quasi exclusivement sur l’hôpital public. Pour y remédier, il propose l’instauration d’un malus financier sur les dotations forfaitaires des établissements privés qui ne participent pas à la permanence des soins.
Enfin, Jean-François Rousset a salué la qualité des travaux, soulignant toutefois des points de divergence et rappelant l’importance des dynamiques positives en cours, notamment le transfert de compétences et l’exercice coordonné dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Ce rapport devrait alimenter les débats parlementaires des prochains mois, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), et pose les bases d’une réflexion plus large sur les besoins d’investissement en santé à moyen et long terme.