
Alors que les collectivités sont en première ligne pour mettre en œuvre la trajectoire Zéro Artificialisation Nette (ZAN), l’Association des Petites Villes de France (APVF), représentée par Sébastien Eugène, maire de Château-Thierry et membre de son Bureau, a été auditionnée par l’Inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable (IGEDD).
Cet échange a permis de porter la voix des petites villes face à une ambition partagée, la sobriété foncière, mais encore très imparfaitement accompagnée.
L’un des messages clés portés par l’APVF est clair : les maires naviguent à vue. À l’absence d’un tableau de bord lisible sur la trajectoire foncière s’ajoute une incertitude fiscale croissante. Cette double opacité pousse les élus à des arbitrages structurels sur l’urbanisme, le logement ou le développement économique, sans visibilité à trois ans. Un risque systémique pour la cohérence de la planification territoriale.
Une méthode à réinterroger
Sébastien Eugène a également mis en lumière une contradiction majeure dans la méthode actuelle :
« Le ZAN s’appuie sur le foncier consommé dans le passé pour déterminer le futur planifié. Or, dans les territoires, il est possible de diviser par deux la consommation foncière future — mais à condition d’un soutien massif en ingénierie et en financement. Par contre, nous sommes incapables aujourd’hui d’adapter nos documents d’urbanisme à une baisse de 75 % des zones urbanisables ! »
En effet, comme l’illustre le cas du SCoT du Sud de l’Aisne, les taux de réalisation effectifs tournent autour de 50 % sur dix ans. En l’état, la logique du ZAN revient donc à restreindre de manière excessive les zones ouvertes à l’urbanisation, sans garantie de faisabilité opérationnelle.
Autre point d’alerte : la prise en compte intégrale, dans les quotas fonciers, des zones urbanisables à horizon 6 ans, même lorsqu’elles ont peu de chances de se concrétiser. Le manque de souplesse et de différenciation territoriale pénalise les petites villes.
Revoir la fiscalité de l’aménagement pour inciter
Au-delà de ces éléments techniques, l’APVF a tenu à rappeler plusieurs lignes rouges politiques. Il ne peut y avoir de transition foncière sans compensation financière. Il ne peut y avoir d’équité sans différenciation territoriale. Il ne peut y avoir de sobriété sans ingénierie. Et il ne peut y avoir d’ambition sans refonte de la fiscalité de l’aménagement.
Dans un contexte où les maires doivent arbitrer, sans visibilité budgétaire, des choix structurants en matière d’urbanisme, de logement ou de développement économique, la réforme du ZAN risque, faute d’un cadre clair et équitable, de fragiliser durablement l’action publique locale.
L’association plaide donc pour une réforme cohérente de la fiscalité de l’aménagement, une concertation territoriale renforcée avec les services de l’État, et un accompagnement différencié selon les capacités et les contraintes des territoires.
L’APVF l’a réaffirmé lors de cette audition : elle est pleinement engagée dans la transition écologique et foncière. Mais cette ambition ne pourra être partagée durablement que si elle repose sur un socle de justice territoriale, d’anticipation budgétaire et de dialogue structuré.