
La Commission Européenne a dévoilé le 16 juillet dernier une proposition de Cadre Financier Pluriannuel pour l’après 2027. Celle-ci a suscité de vives inquiétudes et de nombreuses interrogations parmi les acteurs institutionnels et économiques. Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, des risques majeurs ont été identifiés concernant notamment la politique de cohésion et la PAC/PCP. Christophe ROUILLON, Maire de Coulaines (74), référent Europe de l’APVF est monté au créneau.
Le point saillant du projet de la Commission est la recentralisation de la politique de cohésion : alors que jusqu’à présent la gestion des fonds européens se fait au niveau des régions, en lien avec les autres collectivités, la Commission projette une enveloppe unique au niveau des Etat.
La Commission déléguée Europe de Régions de France, sous la présidence de M. Daniel LECA, VP de la région Hauts-de-France, a organisé une réunion de l’ensemble des associations des collectivités territoriales le 29 septembre. Cette réunion fait suite à une réunion du 28 mars dernier organisée par la AFCCRE, au Sénat, auquel l’APVF avait été représentée par Jean-Michel Perret, maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas (Gard).
Une étatisation de la politique de cohésion
Cette réforme concerne l’ensemble des strates de collectivités territoriales.
En effet, l’architecture globale proposée par la Commission a causé étonnement et inquiétude notamment du fait de la création d’un fonds unique national. Le risque est de mélanger différents fonds ayant des objectifs différents sous la même enseigne. Cette organisation entraînerait en outre des difficultés de mise en œuvre et de gestion, la concertation en serait complexifiée. Certains des fonds sont préfléchés actuellement, ce qui n’est pas le cas pour d’autres fonds : la nouvelle architecture remettrait en cause cette distinction, avec un risque de fragilisation de la prise en compte des spécificités des différents territoires.
Les différents intervenants ont mis en évidence trois types de risque.
Tout d’abord un risque de mise en concurrence, à deux niveaux. Au niveau globale, les politiques de cohésion et de la Politique Agricole Commune (PAC) devront désormais se partager une même enveloppe. En outre, la nationalisation de l’enveloppe posera la question de la répartition entre la métropole et les territoires ultramarins.
Ensuite, un risque pèse sur le volume budgétaire global consacré à la politique de cohésion. La politique de cohésion risque de devenir une variable d’ajustement de la PAC. En outre, le budget global, bien que présenté à l’équilibre par la Comission, serait en réalité en baisse, selon certains participants, lorsqu’il est étudié de plus près. En France en particulier, il pourrait manquer 15 milliards d’euros sur la PAC sur la période de programmation. Si le fléchage vers les régions les moins développées est sanctuarisé, cela semble insuffisant ; le Feder semble servir de variable d’ajustement, tandis que des incertitudes pèsent sur le programme Leader.
Enfin, les modalités de gestion font peser des risques spécifiques. On peut ainsi craindre une recentralisation de la politique de cohésion: il y aura, de fait, une recentralisation de la planification et de la mise en œuvre du fait de cette architecture. Les politiques sur-mesure laisseront ainsi la place à des politiques globalisantes
C’est la raison pour laquelle les différentes associations représentatives des collectivités appellent à soutenir le maintien d’une gestion au niveau régional, à travers un partenariat renforcé avec les autres collectivités territoriales. Elles appellent à préserver l’enveloppe globale de la politique de cohésion, à dégager des ressources propres pour financer ces politiques, et à garantir une gouvernance faisant des collectivités des partenaires au sens plein, selon leurs compétences respectives.
Christophe Rouillon, membre du bureau de l’APVF “Il faudra peut-être montrer les muscles”
Christophe Rouillon, maire de Coulaines, référent Europe de l’APVF a fait part de sa grande crainte, partagée par de nombreux élus des petites villes, vis-à-vis du projet de la Commission. Au-delà des dernières déclarations de la président de la Commission, Mme Ursula Van der Leyen, la question budgétaire au niveau européen, du fait de l’incapacité des Etats de se mettre d’accord sur un renfircement du budget de l’Union et le manque de ressources propres, fait que ce sont les collectivités qui sont visées.
Pour M. Rouillon, il apparaît nécessaire de contrer cette proposition.
Tout d’abord sur le fondement du fonctionnement de l’UE. La politique de cohésion est en effet la contrepartie du marché unique. Elle permet une prospérité partagée à travers les différents territoires de l’Union. La remettre en cause est une remise en cause de l’un des piliers de l’Union.
En outre, sur le mécanisme même, M. Rouillon s’est interroger sur l’utilité de centraliser des financements au niveau de Bruxelles pour les reventiler au niveau des Etats. Selon le maire de Coulaines, cette organisation bureaucratique fera le jeu des positions europhobes.
M. Rouillon a par ailleurs rappelé que le système actuel est rodé et fonctionne bien.Pourquoi changer ? Il a mis en avant un risque : si les fonds de la politique de cohésion sont soumis à la conditionnalité, les sanctions frappant les Etats pourraient également toucher les territoires.
M. Rouillon a enfin souligné un enjeu de visibilité : si les Etats peuvent remettre en cause les politiques de long terme, l’efficacité des politiques de cohésion seraient sérieusement mise en cause. Le plan de relance national, avec toutes ses limitations, démontre que ce mode de fonctionnement n’est pas le meilleur. Le maire de Coulaines a souligné le paradoxe d’un Premier ministre appelant à un grand acte de décentralisation tout en recentralisant la politique de cohésion.
Le problème est donc à la fois politique, financier et de visibilité.
M. Rouillon, qui est également élu au Comité Européen des Régions, que le Comité pourrait saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du fait de la remise en cause du principe de subsidiarité. Il appelle les associations de collectivités à montrer les muscles pour que la Commission revoit sa copie. Le Congrès des maires sera un moment important pour faire entendre la voix des collectivités.