
Pour la première fois depuis plus d’un siècle hors périodes de guerre, la France métropolitaine enregistre davantage de décès que de naissances. La note de conjoncture 2025 de l’Ined confirme un tournant démographique majeur, aux effets différenciés selon les territoires. Si ce phénomène est national, ses conséquences sont particulièrement sensibles dans les petites villes, déjà confrontées au vieillissement de la population et à des équilibres fragiles en matière de services et d’attractivité.
Au 1er janvier 2025, la France compte 68,6 millions d’habitants, soit une hausse très modérée de 169 000 personnes en un an. Cette progression repose quasi exclusivement sur le solde migratoire positif. En métropole, le solde naturel devient négatif, avec 629 000 naissances pour 630 000 décès, une situation inédite depuis plus de cent ans. Les départements d’outre-mer demeurent les seuls à contribuer positivement au solde naturel national.
Cette évolution s’inscrit dans une tendance de fond. La fécondité recule en France depuis 2011, avec une accélération marquée depuis 2019. En 2024, l’indice conjoncturel de fécondité s’établit à 1,62 enfant par femme. S’il reste supérieur à la moyenne européenne, ce niveau ne permet plus d’assurer, à terme, le renouvellement des générations. L’Ined souligne notamment que les femmes nées au début des années 1990 auront, en moyenne, moins d’enfants que les générations précédentes, alors même que la propension à avoir un deuxième ou un troisième enfant demeure relativement stable.
Les dynamiques territoriales révèlent toutefois des contrastes importants. La baisse de la fécondité concerne tous les types de territoires, mais elle a été plus rapide dans les petites villes. Entre 2014 et 2021, la fécondité y a diminué de 13 %, contre 11 % dans les grands centres urbains et 8 % dans les espaces ruraux et les ceintures urbaines. De manière générale, la fécondité reste légèrement plus élevée dans les espaces ruraux à habitat dispersé que dans les petites villes, et plus élevée dans les couronnes urbaines que dans les centres les plus denses. Ces écarts demeurent toutefois moins marqués que les différences observées entre territoires précis, confirmant une forte hétérogénéité locale.
Le report de l’âge à la maternité est une autre tendance structurante. Il concerne l’ensemble du territoire, avec une hausse de l’âge moyen à la maternité de cinq mois dans les communes rurales et jusqu’à huit mois dans les grands centres urbains.
Les petites villes occupent une position singulière. Selon la grille communale de densité de l’Insee, elles appartiennent aux communes de densité intermédiaire, distinctes à la fois des grands centres urbains et des espaces ruraux. Elles se caractérisent par une population majoritairement logée en maison individuelle et par un rôle de centralité pour les bassins de vie environnants, notamment en matière de services, de santé et d’équipements publics. Or, leur croissance démographique récente repose avant tout sur l’arrivée de nouveaux habitants, et non sur le solde naturel, ce qui les rend particulièrement vulnérables à une baisse durable de la natalité.
Le vieillissement de la population accentue ces fragilités. Les départements ruraux, auxquels de nombreuses petites villes sont rattachées, concentrent une part nettement plus élevée de personnes âgées de 60 ans et plus que les départements urbains. Cette évolution pose des défis directs aux élus locaux, en matière de maintien des écoles, d’adaptation du logement, de mobilité, mais aussi d’accès aux soins.
Sur ce dernier point, le rapport de l’Ined met en lumière des spécificités importantes. Dans les petites villes, les interruptions volontaires de grossesse reposent largement sur les professionnels de proximité. Les sages-femmes y réalisent 31 % des IVG, une part équivalente à celle des IVG médicamenteuses pratiquées dans les établissements publics locaux. Cette organisation témoigne du rôle central joué par les professionnels de santé libéraux et les hôpitaux de proximité. À l’inverse, dans les zones rurales à habitat très dispersé, la prise en charge repose majoritairement sur les établissements publics, soulignant l’importance du maintien d’une offre hospitalière accessible dans les territoires peu denses.
L’espérance de vie progresse légèrement au niveau national, mais elle demeure inférieure de deux ans en moyenne dans les départements ruraux par rapport aux départements urbains. L’Ined établit un lien avec les difficultés croissantes d’accès aux soins, une réalité bien connue des petites villes, souvent confrontées à la désertification médicale et à la tension sur les effectifs soignants.
