
Dans la perspective de l’interdiction de location des logements classés G en 2025, puis F en 2028, la Cour a évalué la capacité de l’État à assurer une mise en œuvre fiable, transparente et équitable du diagnostic de performance énergétique (DPE). Le rapport a été rendu public le 3 juin.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) constitue un maillon central de la politique de rénovation énergétique des logements impulsée par l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone dans le secteur des bâtiments d’ici 2050. Cet objectif est soutenu par plusieurs dispositifs d’aides publics, tels que « MaPrimeRénov », et d’accompagnement (réseau France Rénov), pour lesquels le DPE joue le rôle de document de référence dans l’évaluation de la performance énergétique d’un logement.
Dans ce contexte, on compte aujourd’hui plus de 350 000 diagnostics réalisés par mois (contre 120 000 en 2018). En réponse à cette hausse des demandes, le nombre de diagnostiqueurs immobiliers certifiés pour réaliser des DPE a lui-même augmenté de 46 % entre 2019 et 2023. Le contrôle de la Cour des comptes a porté sur les logements privés en métropole, soit plus de 32 millions de logements, dont 5,5 millions se révèlent être des passoires thermiques.
« Le DPE, un outil renforcé en 2021, des difficultés de mise en œuvre insuffisamment anticipées »
Réformé en 2021, et comme le rappelle la Cour des comptes dans sa synthèse, le DPE constitue un outil central de la politique de rénovation énergétique, avec une portée juridique renforcée : il est désormais obligatoire, opposable et conditionne les transactions immobilières et les locations. Depuis janvier 2025, la location des logements les plus énergivores est progressivement restreinte, selon un calendrier prévu jusqu’en 2034.
Pour la Cour, la mise en œuvre de la réforme de 2021, intervenue dans des délais contraints, n’a pas suffisamment anticipé les difficultés rencontrées par les particuliers pour s’y conformer, alors qu’elle a des conséquences majeures sur leur situation patrimoniale et le marché immobilier.
De plus, le dispositif devrait, selon elle, être mieux articulé avec d’autres réglementations s’imposant aux particuliers, notamment dans le champ de l’urbanisme et de la copropriété.
Enfin, un pilotage global du DPE apparaît nécessaire à la Cour pour mieux mesurer son impact sur les travaux effectivement réalisés pour améliorer les étiquettes énergétiques et ainsi évaluer l’emploi des subventions publiques correspondantes.
« Des avancées dans la fiabilisation des diagnostics de performance énergétique »
La réforme de 2021 a permis d’unifier et de consolider les modalités de calcul des DPE, pour en faire un indicateur des qualités thermiques intrinsèques des logements, indépendamment du comportement de leurs occupants. Cette objectivation de la performance énergétique rend désormais possible la comparaison des logements entre eux.
L’« étiquette du DPE » est calculée automatiquement à partir d’une consommation théorique d’énergie d’un logement, déduite de la description des caractéristiques physiques du bâtiment réalisée par les diagnostiqueurs. Ces derniers s’appuient sur des prises de mesure et des observations, ainsi que sur des pièces justificatives fournies par l’occupant du logement.
Pour la Cour, les conditions dans lesquelles ces mesures ou observations sont faites peuvent toutefois entacher le résultat d’incertitudes : temps limité, pressions éventuellement exercées par les propriétaires, défaut de documents justificatifs et formation insuffisante des diagnostiqueurs. En réponse à ces difficultés, l’État a mis en œuvre plusieurs actions de fiabilisation du DPE, dont, depuis le 1er juillet 2024, un renforcement significatif des exigences de compétences des diagnostiqueurs, passant par une augmentation du volume des formations et du niveau requis aux examens. Un travail d’harmonisation des pratiques professionnelles est également en cours et devrait aboutir en 2026. Si la Cour pense qu’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de ces mesures, elles devraient permettre, selon elle, de renforcer la confiance des particuliers dans le dispositif.
« Des lacunes dans le contrôle de la filière »
Si l’État ne contrôle pas directement la réalisation des DPE, en recourant à un mécanisme de certification exercé par des organismes tiers, il joue toutefois un rôle en amont, via l’Agence de la transition écologique (Ademe), et en aval, via la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). L’Ademe doit exercer ainsi un contrôle de la cohérence des DPE versés sur sa plateforme, qui consiste pour l’essentiel à détecter la présence de valeurs aberrantes dans les données saisies.
La Cour relève qu’il serait intéressant d’approfondir ces analyses statistiques avec des méthodes d’intelligence artificielle afin d’être en mesure de déclencher des alertes pour d’autres formes d’incohérences telles que des systèmes de chauffage incohérents entre plusieurs appartements d’un même immeuble. La DGCCRF est habilitée à contrôler les pratiques commerciales des diagnostiqueurs et le respect des exigences réglementaires encadrant l’exercice de leur profession. Si les cas de fraude qu’elle détecte apparaissent marginaux, les manquements au droit de la consommation sont nombreux (70 % d’anomalies en 2023) et semblent tenir avant tout à une méconnaissance des règles par les nouveaux diagnostiqueurs. Au-delà de ces contrôles, la qualité de la prestation fournie par les professionnels n’est pas évaluée par l’État, mais par les organismes tiers, chargés de valider régulièrement que les diagnostiqueurs disposent bien des savoir-faire requis pour leur activité. Ils s’appuient sur un schéma de certification des compétences encadré réglementairement et en partie fondé sur des normes professionnelles.
La certification des diagnostiqueurs immobiliers est obligatoire pour l’exercice de leur activité, avec des conditions renforcées depuis le 1er juillet 2024 et un encadrement plus strict des suites à donner en cas de manquements constatés. Ce système de certification, dont la philosophie repose sur une logique d’amélioration continue, ne suffira pas pour autant, selon la Cour des comptes, à maîtriser pleinement les risques constatés en termes de probité et d’impartialité notamment du fait de liens structurels ou financiers que les organismes de formation et de certification ont entre eux. Une régulation accrue de la part de l’État devrait être envisagée favorablement, et ce d’autant que les particuliers ne disposent in fine que de voies de recours limitées pour contester un DPE.