3 questions à… Victor Delage (Fondateur et directeur général de l’Institut Terram)

4 septembre 2025
Victor Delage est Fondateur et directeur général de l’Institut Terram, think tank consacré aux dynamiques territoriales qui vient de publier une étude intitulée Conseils municipaux : renouer avec l’engagement citoyen. Il répond aux questions de l’APVF sur les enjeux démocratiques au cœur des conseils municipaux.
1. Vous venez de publier une étude sur l’engagement citoyen aux municipales, quels en sont les principaux enseignements ?
Notre enquête révèle un paradoxe frappant : près d’un quart des Français affirment être prêts à se présenter aux élections municipales de 2026, un niveau d’intérêt qui demeure stable depuis la fin des années 1990. Pourtant, ce vivier potentiel se réduit considérablement lorsque l’on s’intéresse au passage à l’acte. Les freins sont nombreux : la difficulté à dégager du temps, la lourdeur des démarches administratives, le sentiment de ne pas être compétent ou encore la crainte d’un climat politique local parfois tendu. À cela s’ajoute un manque de reconnaissance sociale du mandat et, pour certains, la peur d’un impact négatif sur leur carrière. L’engagement municipal souffre donc d’un véritable « entonnoir », où beaucoup de citoyens expriment une envie initiale, mais où seuls quelques-uns franchissent l’ensemble des étapes menant à une candidature. Cette crise se traduit aussi par de fortes inégalités : les femmes sont nettement moins nombreuses à envisager un mandat, et les catégories populaires restent sous-représentées. Enfin, les petites communes apparaissent comme le maillon le plus fragile, confrontées à des difficultés accrues pour constituer des listes.
2. Comment mieux valoriser le mandat municipal et réduire les barrières d’entrée à l’engagement local ?
La première urgence consiste à restaurer l’attractivité du mandat en reconnaissant pleinement sa valeur. Être élu local, ce n’est pas un simple bénévolat civique : c’est une charge de travail considérable, une responsabilité juridique et politique et une fonction qui mérite d’être mieux soutenue, mieux encadrée et mieux reconnue. Il faut également alléger les conditions d’accès, rendre la candidature moins intimidante et moins bureaucratique, et permettre à chacun de franchir plus facilement le pas. Mais au-delà de l’institutionnel, c’est tout un écosystème civique qu’il faut reconstruire : les associations, les collectifs citoyens, les initiatives locales doivent redevenir des lieux de socialisation politique et de préparation à l’engagement. Si l’on veut élargir le vivier de candidats, il faut redonner confiance aux citoyens dans leur capacité à exercer des responsabilités et, ce faisant, montrer que le mandat municipal peut s’inscrire dans un parcours de vie enrichissant, plutôt qu’apparaître comme un fardeau.
3. Vous abordez la question de rééquilibrage des pouvoirs locaux. Comment redonner davantage de pouvoir et d’autonomie aux maires et en particulier aux communes ?
Il y a aujourd’hui une forme de déséquilibre entre le poids des enjeux nationaux et la réalité de l’action locale. Le débat public est saturé par les échéances présidentielles et par des thématiques nationales qui tendent à marginaliser la vie communale. Or, le maire demeure la figure de confiance par excellence, celle qui incarne la République de proximité. Pour que les communes retrouvent toute leur place, il faut clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités, afin que chaque échelon ait un rôle lisible et légitime. Cela suppose de redonner de la marge de manœuvre aux maires pour qu’ils puissent répondre aux attentes de leurs administrés sans se heurter en permanence à des blocages venus d’ailleurs. Redonner du pouvoir au local, ce n’est pas affaiblir l’État, c’est au contraire renforcer la démocratie en la rendant plus incarnée, plus accessible et plus efficace.