2 questions à … Bruno Cavagné, Président de la FNTP

Alors que la crise sanitaire a conduit à l’arrêt de la plupart des chantiers, Bruno Cavagné, Président de la Fédération Nationale des Travaux Publics, fait le point avec nous sur la situation.

Pouvez-vous nous faire un point sur la situation dans votre secteur depuis le début du confinement ?

Comme dans beaucoup d’autres secteurs économiques, l’activité des travaux publics s’est effondrée dès l’annonce des mesures de confinement par le Gouvernement, le 17 mars dernier. En quelques jours, la quasi-totalité des chantiers de notre pays se sont retrouvés à l’arrêt. J’en veux pour preuve que tout début avril, le niveau d’activité de nos entreprises, toutes tailles confondues, se situait à 5% de leur niveau normal. Les raisons en sont multiples : rupture de la chaîne d’approvisionnement et de production, désorganisation des services de nos donneurs d’ordre, comme de nos entreprises …avec en plus un sujet fondamental, la question de la sécurité sanitaire de nos collaborateurs qu’il fallait assurer sur les chantiers.

C’est ce sujet qu’il nous a fallu traiter en 1er pour créer les conditions d’une reprise des chantiers interrompus. Il n’était pas question de faire courir le moindre risque à nos salariés. Nous l’avons fait en préparant un guide de préconisations sanitaires précises en collaboration avec notre organisme de prévention, l’OPPBTP. Guide qui a reçu la validation des ministères du travail et de la santé.

Partant de là, l’activité a pu redémarrer, mais de manière très progressive, et à un rythme très inégal selon les Régions et les collectivités. Il faut dire que les choses n’étaient pas simples et les blocages nombreux. Je note d’ailleurs que les petites villes et les petites collectivités ont été plus promptes à reprendre les chantiers, probablement parce qu’elles sont plus souples dans leur mode de gestion. Je note aussi que les Préfets de Régions et de Départements ont joué un rôle important de coordination et de médiation pour aider à la reprise et débloquer des situations au cas par cas.

A début mai, 4 entreprises de travaux publics sur 5 avaient repris de l’activité et une partie plus ou moins importante de leurs chantiers en cours. Mais reprise de l’activité ne signifie pas retour à la normale, loin s’en faut. Preuve en est que le niveau d’activité moyen était encore très bas il y a dix jours, autour de 20% de ce qu’il devrait être. Quant aux projections pour les mois qui viennent, elles ne laissent quasiment aucun espoir d’un retour à la situation d’avant mars d’ici la fin de l’année. Nos dernières prévisions évaluent entre 15 et 20% la perte d’activité sur l’exercice 2020.

 

Quelles mesures sont-elles, selon vous, nécessaires pour permettre une reprise rapide de votre secteur après la crise ?

Il faut d’abord éviter que notre secteur et nos entreprises de travaux publics ne sortent durablement affaiblis de la crise actuelle, ce qui serait une très mauvaise nouvelle pour l’activité économique, l’emploi et l’attractivité de nos territoires. C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, comme vous le savez. Je l’avais d’ailleurs largement évoqué à Uzès, lors de vos dernières Assises.

Pour permettre à notre secteur d’éviter la casse et de repartir sur de bonnes bases, il faut avoir en tête plusieurs horizons de temps et actionner plusieurs leviers à la fois, de manière forte et déterminée.

L’urgence, c’est de remettre en mouvement et d’achever tous les chantiers engagés et interrompus en mars et de préserver, dans le même temps, la situation financière et de trésorerie de nos entreprises, particulièrement de nos PME. Je crains, en effet, que le report de charges, combiné avec les surcoûts d’organisation des chantiers liés aux mesures Covid, ne fragilisent les finances de nos entreprises. C’est pourquoi, j’ai demandé au Gouvernement de convertir les reports de charges en exonérations et de régler enfin le partage des surcouts liés au Covid 19, car la charge nouvelle ne peut être assumée ni par les collectivités seules, ni par les entreprises seules !

La seconde urgence, pour éviter un trou d’air dans les mois qui viennent et donner rapidement de la visibilité à nos entreprises, c’est de relancer la machine à appels d’offre. Concrètement, cela veut dire que la gouvernance locale doit être stabilisée au plus vite, à savoir installation immédiate des exécutifs partout où c’est possible, et second tour d’élection rapide pour les collectivités où cela est nécessaire, de manière à régler, dans le même temps, la question des exécutifs intercommunaux. Il faut aussi, et nous devons faire cause commune sur cette question, obtenir du Gouvernement qu’il soutienne et stimule l’investissement des collectivités, en jouant sur tous les leviers que sont le FCTVA (élargissement de son assiette, augmentation de son taux et remboursement anticipé) et les dotations (DETR et DSIL). C’est important pour vous, pour réaliser vos projets, et pour nous, pour savoir de quoi demain sera fait.

Au-delà des appels d’offre à venir, et comme l’a décidé le Gouvernement, nous devons tous ensemble, travailler à un plan de relance de la globalité de l’économie française, et particulièrement des secteurs très impactés par la crise du Covid 19. Pour notre part, nous avons commencé à y travailler avec nos différents métiers de la mobilité, de l’eau et de l’énergie, pour lancer un plan d’investissement en infrastructures décarbonées. Sur ce point aussi, je suis convaincu que nous pouvons et devons faire cause commune dans l’intérêt de nos territoires et de ceux qui y vivent.

Comme vous l’avez compris, nos entreprises comptent sur vous pour relancer la machine. De notre côté, nous sommes prêts à vous accompagner dans vos projets, avec notre expertise et nos savoir-faire.