Un projet de loi spéciale sur le budget pour assurer la continuité de l’Etat a été présenté en Conseil des ministres mercredi. Son examen devrait débuter lundi 16 décembre, à 16h, à l’Assemblée nationale.
Une loi spéciale « de pragmatisme »
L’alinéa 4 de l’article 47 de la Constitution prévoit une procédure exceptionnelle lorsque la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée « en temps utile », c’est-à-dire une date permettant son adoption avant le début de l’exercice, soit le 1er janvier.
La Constitution dispose alors que le Gouvernement peut demander d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décrets les dépenses nécessaires au fonctionnement de l’Etat.
Une procédure détaillée dans la LOLF
Aux termes de l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, et en application de l’article 47 alinéa 4 de la Constitution, le Gouvernement dispose de deux procédures telles que présentées ci-dessous :
1° Il peut demander à l’Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, d’émettre un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de la loi de finances de l’année. Ce projet de loi partiel est soumis au Sénat selon la procédure accélérée ;
2° Si la procédure prévue au 1° n’a pas été suivie ou n’a pas abouti, le Gouvernement dépose, avant le 19 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, devant l’Assemblée nationale, un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée.
Dans notre cas, la procédure prévue au 1° n’a pas été envisagée, le Président de la République ayant tout de suite opté pour la procédure prévue au 2°.
Un contenu limité
Selon l’article 45 de la LOLF, le projet de loi spéciale doit autoriser le gouvernement à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée.
Il comprend trois articles. Dans le détail, selon l’exposé des motifs du projet de loi spéciale, l’article premier vise à autoriser à percevoir les impôts existants. Cette disposition est fondamentale et indispensable pour garantir le financement de l’État et des autres personnes morales affectataires des impositions de toutes natures, notamment les collectivités territoriales et les organismes publics qui leurs sont rattachés. Elle emporte également la reconduction des prélèvements sur les recettes mentionnés à l’article 6 de la LOLF, soit les prélèvements sur les recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne. L’autorisation est donnée pour une durée temporaire jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année.
Les deuxième et troisième articles du projet de loi spéciale concernent les autorisations relatives aux emprunts. En l’absence de telles dispositions, la sécurité des opérations de financement de l‘État et de plusieurs organismes de sécurité sociale ne serait plus assurée à compter du 1er janvier 2025. Le recours à des emprunts à long, moyen et court termes revêt aujourd’hui un caractère indispensable pour la continuité de la vie nationale.
Suite à la promulgation de la loi spéciale, le gouvernement prendra des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés, notamment pour permettre de verser la rémunération des agents publics, dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement. Ils ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l’année.
La publication de ces décrets n’interrompt pas la procédure de discussion du projet de loi de finances de l’année, qui se poursuit dans les conditions prévues par les articles 45 et 47 de la Constitution et par les articles 40, 42, 43 et 47 de la LOLF.
Il est à noter que le Conseil d’Etat considère que les dispositions fiscales autres que la seule autorisation à percevoir les impôts existants est proscrite. En particulier, les magistrats du Palais royal estiment que l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu, ou la prolongation de la durée d’application de crédits d’impôts, ne peuvent figurer dans la loi spéciale
Quelles implications pour les collectivités ?
Selon le Conseil d’Etat, l’article 1 du projet de loi spéciale autorise la levée des impôts, y compris des impôts locaux, permet implicitement le versement des prélèvements sur les recettes aux collectivités locales et à l’Union européenne, mais ce versement ne pourra se faire que sur la base des crédits de paiements adoptés en 2024. Cela signifie que collectivités pourront recevoir le versement des subventions déjà attribuée, mais ne pourront en avoir de nouvelles avant l’adoption d’un projet de loi de finances.
Le versement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) devrait, quant à lui, être assuré, par douzièmes, puisqu’il permet la « continuité des services publics ». A noter que les dotations de solidarité urbaine ou rurale (DSU et DSR) suivront les règles de péréquation de 2024. Un paramètre pourra néanmoins faire varier les montants à ce stade, c’est l’évolution de la population.
Quel calendrier ? Quelle durée d’application ?
Ce projet de loi doit être impérativement déposé au Parlement avant le 19 décembre et être promulgué avant le 1er janvier. Ce mercredi, il a été présenté en Conseil des ministres. Laurent Saint-Martin et Antoine Armand, les ministres démissionnaires des Comptes publics et de l’Economie et des Finances, ont ensuite auditionnés le même jour par la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Le texte est à l’agenda de l’Assemblée nationale qui débutera son examen le 16 décembre à 16h. Puis, il devrait passer devant le Sénat mercredi 18 décembre, selon des sources parlementaires.
L’application de ce texte provisoire, si elle n’est pas bornée dans le temps, s’appliquera jusqu’à ce qu’un nouveau budget soit adopté. Elle permettrait « de tenir quatre à six semaines, en attendant un nouveau budget », a estimé Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.
Téléchargez l’avis du Conseil d’Etat en cliquant ici.
Téléchargez le projet de loi spéciale en cliquant ici.
Téléchargez le courrier adressé par les Ministres démissionnaires Saint-Martin et Vautrin à Christophe Bouillon en cliquant ici.