Présence de l’Etat dans les territoires : le Sénat fait 35 propositions

18 janvier 2017

Le constat

 

Depuis dix ans, deux réformes ont particulièrement affecté la présence de l’Etat dans les territoires : la Réforme de l’administration territoriale de l’Etat (Réate), lancée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), et la modernisation de l’action publique (MAP). Or, celles-ci ont reçu un accueil particulièrement mitigé de la part des élus locaux : 58% jugent que la Réate était « non pertinente » et 70% la qualifient d’« inefficace ». Les résultats sont du même ordre avec la MAP : 61% la trouvent « non pertinente » et 69% « inefficace ».

 

Les deux rapporteurs, Eric Doligé (LR) et Marie-Françoise Perol-Dumont (PS), estiment par ailleurs que les résultats de ces réformes, qui avaient en commun la recherche d’économies, sont mitigés. Ils rappellent notamment que leurs travaux « interviennent dans un contexte de désorganisation des services déconcentrés, imputable à l’accumulation, ces dernières années, de réformes tout à la fois continues, généralisées et mal articulées les unes avec les autres. » Surtout, ces réformes « ont eu pour corollaires un dépérissement relatif des échelons départementaux et infra-départementaux, la fragilisation globale des effectifs déconcentrés, et une priorité donnée par l’État à sa mission de contrôle sur sa fonction de conseil. »

 

Les rapporteurs pointent ainsi que les réductions d’effectifs ont contraint certaines administrations à renoncer à certaines de leurs missions de conseil et d’accompagnement des projets des collectivités territoriales. Or, cet accompagnement reste indispensable pour les collectivités territoriales. L’exemple du transfert de la compétence sur les autorisations d’urbanisme aux communes en est un exemple frappant, qui a provoqué des difficultés d’adaptation dans un certain nombre de communes.

 

Par ailleurs, les réformes ont fortement réduit la présence des services de l’Etat sur leur territoire, avec des conséquences importantes pour l’attractivité. Parmi les réformes qui ont le plus affecté les territoires, les élus citent la réforme des implantations des gendarmeries (25%), celle des services déconcentrés régionaux (22,7%), puis celles des hôpitaux (13,4%), des écoles (13,1%), des sous-préfectures (11,5%), des tribunaux (5,2%), et des sites de défense (3,8%).

 

Les propositions

 

Dès lors, les sénateurs effectuent un certain nombre de propositions : consolider l’autorité du préfet sur l’ensemble des directions régionales pour renforcer la cohérence des positions administratives et l’unicité territoriale. Ils estiment également que la réussite de ce dispositif passe par l’instauration d’une durée minimum d’affectation de trois ans de ces préfets, alors qu’aujourd’hui la rotation est très importante.

 

Afin de maintenir la proximité de l’administration déconcentrée avec les collectivités territoriales et d’améliorer l’accompagnement de celles qui en ont le plus besoin, les sénateurs avancent plusieurs solutions : consolider les directions départementales interministérielles (DDI) les plus fragilisées, accorder une attention spéciale aux besoins des départements les moins bien munis ou dans lesquels des besoins spécifiques sont identifiés (avec un seuil de 500 000 habitants, cas des départements peu peuplés à forte fréquentation touristique, des départements de montagne à besoins spécifiques), pérenniser l’organisation multi-sites des services déconcentrés, tout en veillant à prévenir le surcroît de complexité administrative résultant de la relative dispersion des services, mobiliser les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public dans un objectif d’équilibre territorial dans l’accès aux services, généraliser les maisons de services au public dans chaque intercommunalité en espace rural, etc. Mesure particulièrement importante pour l’APVF, ils souhaitent ainsi que soit maintenu l’effort qui est déjà fait pour éviter les fermetures simultanées de plusieurs services situés dans une même collectivité.

 

Le rapport établit que les collectivités ont besoin d’outils supplémentaires pour « surmonter la complexité de l’organisation et des procédures administratives ». Pour répondre à cela, les sénateurs proposent de conforter l’échelon départemental comme périmètre effectif de mise en œuvre des politiques publiques en renforçant l’autorité des préfets sur les DDI et en consolidant la mission de coordination qu’il exerce à l’égard des agences de l’État. Ils appellent également à développer, sous le pilotage du préfet de département ou de son représentant désigné projet par projet, un mode d’organisation transversal et intégré pour lancer et mettre en œuvre les projets des collectivités territoriales et à développer la méthode des procédures uniques d’autorisation en s’inspirant du « permis environnemental unique ». Ils proposent enfin d’encadrer dans des délais préfixés les réponses administratives à des demandes collectives (engagements qualitatifs), prévoir que toutes les préfectures devront être couvertes par des engagements qualitatifs.

 

Les sénateurs souhaitent également recentrer l’action de l’administration territoriale sur les politiques publiques strictement étatiques. Ils proposent ainsi de mettre fin aux services « doublons » en permettant la reprise par les collectivités territoriales des services déconcentrés en charge de « politiques essentiellement décentralisées », notamment dans les domaines du social, de la culture et du sport.

 

Enfin, afin de renforcer la cohérence et la dimension facilitatrice de l’action de l’administration déconcentrée en direction des collectivités territoriales, ils appellent à associer les élus locaux à l’élaboration des réformes de l’administration déconcentrée et orienter le contrôle de légalité, en amont de la prise de décision des collectivités, vers l’offre d’avis et de conseil sur les procédures et sur le droit applicables.