Refonte de la fiscalité locale : les modalités du dégrèvement de la taxe d’habitation déclarées constitutionnelles

3 janvier 2018

Pour rappel, le taux du dégrèvement, dont le bénéfice est subordonné à une condition de revenus des contribuables, est fixé à 30 % du montant de la TH dû en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020. Au total, environ 20 % des contribuables resteront assujettis à cette taxe. 

La réforme porte-t-elle atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques ?

Selon les requérants, l’article 5 porte atteinte à l’égalité des contribuables devant les charges publiques puisqu’en 2020, la TH ne pèsera plus que sur une minorité d’entre eux (20 %). Par ailleurs, en retenant le revenu pour déterminer l’éligibilité au dégrèvement, le législateur ne se serait pas fondé sur un critère objectif et rationnel. Enfin, il résulterait dudit article, une rupture d’égalité des communes devant les charges publiques : le pouvoir de taux effectif de celles où la part des redevables n’acquittant plus l’impôt sera la plus élevée « sera considérablement limité, voire inexistant ».

Mais, le Conseil constitutionnel, n’ayant pas de pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que le Parlement, se déclare incompétent pour vérifier si les objectifs assignés au législateur auraient pu être atteints par d’autres voies. Aussi, il considère que le critère d’éligibilité retenu (plafond de revenu en fonction du quotient familial) est un critère objectif et rationnel en rapport avec l’objet de la loi.

Ce grief est écarté mais il est intéressant de souligner que le Conseil, notant que les dispositions contestées relatives à la TH ne sont qu’une étape de la réforme globale de la fiscalité locale, assure qu’il pourra examiner, ultérieurement dans le cadre de cette réforme annoncée, la question du traitement des contribuables restant assujettis à la taxe d’habitation.

La réforme porte-t-elle atteinte au principe d’autonomie financière des collectivités territoriales ?

Les requérants soulèvent également une atteinte au principe d’autonomie financière des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il résulte de la combinaison des articles 72-2 de la Constitution et L.O. 1114-2 du code général des collectivités territoriales qu’entre dans la catégorie des ressources propres des collectivités territoriales au sens de l’article 72-2 de la Constitution le produit des impositions de toutes natures non seulement lorsque la loi autorise ces collectivités à en fixer l’assiette, le taux ou le tarif ou qu’elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette, mais encore lorsqu’elle procède à une répartition de ces recettes fiscales au sein d’une catégorie de collectivités territoriales

Etant donné que le dégrèvement contesté est entièrement pris en charge par l’État sur la base des taux globaux de taxe d’habitation applicables en 2017, le Conseil considère qu’il n’affecte pas l’assiette de cette taxe et ne remet pas en cause son caractère local. Les communes demeurent libres de fixer un taux de taxe d’habitation différent, auquel les bénéficiaires du dégrèvement seront assujettis, pour la part supérieure au taux applicable en 2017.

Toutefois, le Conseil constitutionnel rappelle que s’il apparaissait, en raison de l’évolution des circonstances, et notamment par l’effet d’une modification des dispositions contestées, éventuellement conjuguée à d’autres causes, que la part des ressources propres dans l’ensemble des ressources des communes devenait inférieure au seuil minimal de ressources propres déterminé par l’article L.O. 1114-3 du code général des collectivités territoriales, il appartiendrait à la loi de finances pour la deuxième année suivant celle de ce constat d’arrêter les mesures appropriées pour rétablir le degré d’autonomie financière des communes au niveau imposé par le législateur organique. Le rapport annuel d’évaluation de la réforme de la TH permettra de mesurer si le degré d’autonomie est respecté.

En conclusion, nous pouvons dire que la constitutionnalité du dispositif de dégrèvement de la taxe d’habitation, bien qu’elle soit déclarée par le Conseil constitutionnel en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 61 alinéa 2 de la Constitution, est conditionnée par les étapes ultérieures de réforme de la fiscalité locale et par le respect, chaque année, de l’autonomie financière locale. L’APVF sera extrêmement vigilante. 

EC

Vous pouvez parcourir la décision n°2017-758 DC du 28 décembre 2017 relative à la loi de finances pour 2018 en cliquant ici : www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2017/2017758dc.htm