Réforme de la fiscalité locale : l’APVF auditionnée au Sénat

14 novembre 2019

L’APVF poursuit ses auditions au Sénat. L’occasion de rappeler sa position en matière de fiscalité locale et de sensibiliser les sénateurs aux enjeux des petites villes à quelques jours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2020.

 

1) Audition de l’APVF par Loïc Hervé, Sénateur de Haute-Savoie, rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits affectés à la mission « Relation avec les collectivités territoriales »

Loïc Hervé, avec Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, ont auditionné les associations d’élus afin de recueillir leur sentiment général sur le projet de loi de finances pour 2020 et notamment sur la réforme de la fiscalité locale.

Pour l’APVF, deux axes d’appréciation de ce projet de loi de finances pour 2020, mais cette réflexion vaut, en réalité, pour toutes les lois de finances qui se sont succédé depuis la crise financière de 2008.

Le premier axe porte sur l’érosion continue du Pacte de confiance avec l’Etat à travers la problématique de la stabilité des concours financiers. Entre 2011 et 2017, les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales sont marquées par la baisse unilatérale des dotations et la consécration d’un objectif indicatif d’évolution de la dépense locale. Cette politique de restriction est mise en œuvre expressément dans le cadre de la participation des collectivités au redressement de la situation financière de la France. Depuis 2018, l’Etat a changé de méthode : à la baisse unilatérale des dotations est substitué un mécanisme d’encadrement des dépenses locales de fonctionnement contraignant. Alors que ce changement de paradigme devait contribuer à apaiser les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales, la dégradation de leur relation s’est accélérée et amplifiée. L’une des causes principales : un problème d’affichage et de communication. Alors que l’Etat affiche un budget stable pour les collectivités, l’APVF déplore chaque année une stabilité de façade (gel de la DSIL, par exemple, après une diminution de 7 % en 2019 et alors qu’elle finance désormais les contrats de ruralité), de nouvelles minorations des variables d’ajustement (DCRTP, versement transport) et la poursuite des baisses individuelles de dotations. Pour l’APVF, ces réductions de crédits, qu’il n’est plus possible d’anticiper et que l’on découvre au compte-gouttes, plongent les élus locaux dans un climat d’instabilité permanente.

Le deuxième axe porte sur l’érosion de l’autonomie financière des collectivités territoriales à travers les réformes successives de la fiscalité locale, dont la suppression de la taxe d’habitation qui cristallise actuellement l’inquiétude des élus. Si la question de la compensation « à l’euro près » dans la durée des pertes de ressources subie par les communes a occupé une large partie des échanges avec les sénateurs, l’APVF a aussi tenu à mettre en garde les sénateurs sur l’avenir de la fiscalité locale. Alors que l’obsolescence des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation avait, en partie, motivé la suppression de la TH, voilà que le PLF 2020 reporte à 2026 la révision des bases. Ce report ne met pas à l’abri les élus d’une possible remise en cause, à terme, de la taxe foncière sur les propriétés bâties également assises sur les valeurs locatives cadastrales. C’est pourquoi, la révision des bases doit intervenir sans délai. De même, l’annonce du Gouvernement de baisser massivement la fiscalité de production, composée à 40 % d’impôts locaux selon la définition de l’inspection générale des finances, n’est pas là pour nous rassurer. Pour l’APVF, tout ceci témoigne d’une défiance systématique de l’Etat à l’égard des élus qui se traduit par des réformes peu respectueuses de la libre administration des collectivités territoriales et, surtout, du point de vue financier, relativement déresponsabilisantes puisqu’elles ont pour effet de les rendre de plus en plus dépendantes de l’Etat. Elles constituent, enfin, un facteur d’accroissement des injustices fiscales et territoriales dès lors que toutes les communes ne bénéficient pas des mêmes capacités contributives, que la proportion de logements sociaux, de résidences secondaires et de résidences principales occupées par des propriétaires ou des locataires est très variable selon les petites villes.

Pour plus de précisions, téléchargez la réponse de l’APVF au questionnaire du Sénat en cliquant ici.

2) Audition de l’APVF par Claude Raynal, Sénateur de la Haute-Garonne, Vice-président de la commission des finances du Sénat

L’APVF, représentée par Antoine Homé, Maire de Wittenheim, Premier vice-président de l’APVF, a été auditionnée le 12 novembre par Claude Raynal sur la première partie du projet de loi de finances pour 2020. L’occasion de revenir sur les points d’attention de l’APVF à propos de la réforme de la fiscalité locale.

Antoine Homé a rappelé que certaines promesses du Gouvernement n’avaient pas été tenues, notamment celle d’une loi spécifique. Pour l’APVF, un texte spécifique aurait favorisé les échanges et la concertation pour établir une réforme plus consensuelle. Si ce combat est perdu, la question se pose toujours d’une loi de finances pour les collectivités locales qui permettrait, dès la première année de mise en œuvre de la réforme de la fiscalité, d’évaluer ses conséquences et d’apporter des correctifs d’une année sur l’autre. En outre, l’engagement pris par l’Etat de transmettre des simulations n’a pas non plus été tenu. Pour l’APVF, ces simulations participent de la compréhension et de l’acceptation de la réforme. Elles doivent être lisibles et exploitables.

Sur le fond, le premier point d’attention concerne le calcul du montant individuel de taxe d’habitation à compenser. Le projet de loi de finances pour 2020, dans sa version initiale, établit ce calcul en fonction des taux votés en 2017 et, surtout, suspend la revalorisation forfaitaire des bases de TH en 2020.

prendre l’inflation harmonisée constatée entre novembre et novembre (qui devrait tourner, au plus, entre 1,1 et 1,3 %).Prendre en compte les taux 2017 est profondément injuste pour les communes ayant été forcées d’augmenter leurs taux en 2018 et en 2019, parfois en raison de transferts de compétences des EPCI vers les communes. A l’instar des départements, il convient de prendre 2019 comme année de référence. Sur la mesure de non-revalorisation des bases, contrairement aux engagements du Gouvernement de compenser les communes « à l’euro près » aurait amputé les ressources des budgets locaux d’environ 250 millions d’euros par an. Une avancée a été obtenue à l’Assemblée nationale : la revalorisation des bases en fonction de l’inflation française constatée entre septembre 2018 et septembre 2019 (0,9%). C’est un premier pas, mais il est insuffisant. Pour que l’engagement d’une compensation intégrale soit tenu, il convient de prendre pour référence les bases 2020 revalorisées conformément à l’article 1518 bis du Code général des impôts (IPCH constaté entre novembre et novembre). C’est ce que nous avons soutenons à l’APVF.

Le second point d’attention concerne les modalités de compensation des communes par application d’un coefficient correcteur et la dynamique du dispositif :

Pour neutraliser les effets des surcompensations/sous-compensations, le PLF met en place un coefficient correcteur : le montant de la surcompensation sera prélevé à la source et reversé aux sous-compensées par application du coefficient correcteur. Pour garantir une certaine dynamique des compensations, elles évolueront avec les bases physiques. Par conséquent, cette dynamique ne profitera qu’aux communes sous-compensées, ce que regrette l’APVF.

Cette réforme suscite beaucoup d’inquiétudes de la part des élus locaux, et pour cause, aucune simulation n’a été réalisée sur les conséquences de sa mise en œuvre. Pourtant, elles seront bien réelles : rupture du lien avec le citoyen, réduction de l’autonomie financière des départements qui sont des alliés incontournables des petites villes, des communes et des EPCI, chamboulement des potentiels financiers et impact sur les dotations. Antoine Homé a également évoqué les enjeux des logements sociaux et les décisions contradictoires de l’Etat en la matière. Dans la mesure où la grande majorité des locataires de logements sociaux ne paient pas la taxe d’habitation, ou ne la paieront plus demain, et étant donné l’exonération des bailleurs sociaux sur le foncier bâti, comment les petites villes pourront-elles remplir leurs objectifs de construction de nouveaux logements sociaux ? Face à cela, l’APVF demande une évolution du dispositif et une compensation intégrale de cette exonération par l’Etat.