« A l’approche des élections » … La conception des bulletins de vote

30 janvier 2020

L’article R.30 du code électoral prévoit les contraintes relatives aux bulletins de vote, qui sont réglementés au regard de :

  • leur couleur : ils doivent être imprimés en une seule couleur et sur papier blanc,
  • leur qualité : grammage de 70 grammes par mètre carré (et non plus seulement compris entre 60 et 80 grammes par mètre carré),
  • et leur format. Ils doivent respecter les formats rectangulaires suivants :
    • 105×148 mm au format paysage pour les bulletins comportant un à quatre noms,
    • 148×210 mm au format paysage pour les listes comportant de 5 à 31 noms,
    • 210×297 mm au format paysage pour les listes comportant plus de 31 noms.

Pour déterminer le nombre de noms figurant dans le bulletin (et donc son format), il convient, dans les communes de 1000 habitants et plus, où le bulletin de vote doit présenter à la fois les candidats au conseil municipal et au conseil communautaire, de compter comme deux noms distincts le nom des personnes figurant sur l’une et l’autre de ces deux listes.

En revanche, depuis que la loi n°2018-51 du 31 janvier 2018 relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections a ouvert aux candidats la possibilité de présenter, dans les communes de 1000 habitants et plus, des listes comportant deux noms de plus que le nombre de sièges à pourvoir, faut-il prendre en compte, pour la détermination du format du bulletin de vote, les noms de ces candidats en surnombre ? Le décret n°2018-808 du 25 septembre 2018 portant adaptation du code électoral pour l’application des dispositions de son article L.260 a inséré un nouvel article R.117-5 dans le code électoral qui répond par la négative : afin que tous les bulletins d’une même élection aient la même taille (que les listes en présence aient recouru, ou non, à la possibilité d’ajouter un ou deux candidats supplémentaires) les noms des candidats « supplémentaires » au conseil municipal ne doivent pas être pris en compte.

Quant au contenu du bulletin, si l’article L.52-3 du code électoral autorise expressément l’apposition d’un emblème (et même plusieurs selon la jurisprudence), l’article R.30 interdit que les bulletins comportent « d’autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels ».

Cette dernière interdiction a donné lieu à de subtils arrêts, révélant l’interprétation stricte que le juge électoral entendait en donner. Le Conseil d’Etat considère qu’un bulletin de vote peut reproduire le nom d’une personne morale, mais pas si ce nom inclut le patronyme d’une personne physique.

Ainsi, il accepte qu’un candidat précise qu’il est « PDG de la Clinique des cèdres » : « si sur les bulletins de la liste conduite par M. B, le nom de M. X était suivi de la mention PDG de La Clinique des Cèdres, il n’en résulte pas une violation des dispositions de l’interdiction prévue par cet article, qui répond notamment à la nécessité d’éviter une éventuelle confusion dans l’esprit des électeurs sur l’identité du candidat » (CE, 30 avril 2009, n°322149).

Mais dès qu’un patronyme est présent, le Conseil d’Etat considère que le bulletin est irrégulier et peut donc être refusé par la commission de propagande.

Ainsi, il a considéré « qu’il résulte de l’instruction que le bulletin de vote de la liste Ensemble pour Corbeil-Essonnes , conduite par M. Bechter, comportait, sous le nom du candidat tête de liste, la mention ” Secrétaire général de la fondation Serge Dassault ” ; qu’une telle mention, même par le biais de la désignation d’une personne morale, d’un patronyme différent de celui d’un candidat de la liste constitue une irrégularité au regard des dispositions précitées de l’article R. 30 du code électoral » (CE, 22 septembre 2010, n°338956).

Le juge considère enfin qu’une liste sur laquelle figuraient trois membres d’un parti politique, sans que cette liste soit investie par ce dernier, pouvait faire figurer sur ses bulletins de vote l’emblème de ce parti sans altérer la sincérité du scrutin (CE, 30 novembre 1998, n°195128) tant que ledit parti politique ne soutient pas expressément une autre liste.

En revanche, lorsque des citoyens d’autres pays membres de l’Union européenne figurent sur la liste, la mention sur le bulletin de leur nationalité, après leur nom, est une obligation substantielle dont la méconnaissance peut justifier l’annulation de l’élection (CE, 12 juillet 2002, n°239083).

 

Me Philippe BLUTEAU, avocat associé, Cabinet Oppidum Avocats.