Logement : une politique publique qui n’atteint pas encore ses objectifs

10 février 2022

La politique du logement, malgré les moyens mis en œuvre, n’atteint pas sa cible. Les zones détendues ont été les grandes oubliées, tandis que les problèmes subsistent en zones tendues. L’adoption récente de la loi 3DS a étendu les moyens d’actions des élus locaux pour les opérations de revitalisation de territoires (ORT) et a permis de mieux adapter la loi SRU aux spécifiés locales. Le logement, levier fondamental pour la réduction des fractures territoriales et sociales, doit devenir une grande priorité de l’action publique.

Alors que le logement a été le grand absent du Grand débat national, la crise n’étant pas partie des grandes villes, la problématique du logement dans la France périphérique n’est pas de moindre ampleur : entre la vacance des logements prégnante dans les petites villes, la dégradation et la paupérisation de leurs centres-anciens, les besoins en rénovation pour favoriser la mixité sociale, l’étalement urbain qui pose la question de la mobilité, le logement constitue bien une réponse aux fractures territoriales et sociales qui se creusent dans notre pays. Pourtant, tous les efforts menés depuis des décennies se concentrent sur les zones les plus tendues, là où l’offre est sensiblement supérieure à la demande, et sur le neuf, sans considération des besoins d’adaptation de la politique du logement dans les territoires les plus éloignés. Surtout, l’APVF observe chaque année une baisse sensible des moyens financiers à l’appui de la politique du logement et sa déterritorialisation croissante (recentrage progressif des dispositifs Pinel et PTZ sur les zones tendues et le neuf, regroupement des petits bailleurs sociaux dans le cadre de projet de loi Elan, désindexation des APL, baisse des ressources attribuées au Fonds national d’aide à la pierre …).

Ces inquiétudes sont confirmées, sous des angles différents (logement social et marché du logement), par les rapports de la Fondation Abbé Pierre et de l’Institut Montaigne.

Pour la Fondation Abbé Pierre, l’action publique n’a pas saisi l’ampleur de la « crise du logement » qui se dessine depuis longtemps. En témoignent la réduction de l’offre de logements sociaux disponibles (80 000 attributions de moins dans le parc Hlm en 2020), la chute de la construction de logements sociaux qui n’a jamais été aussi basse depuis 15 ans et le blocage de la mobilité résidentielle qui en résulte.  Le logement, dont le rôle essentiel a été particulièrement mis en évidence lors des périodes de confinement, n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’une attention particulière dans le plan de relance de l’automne 2020. Depuis, bien peu de mesures d’ampleur sont venues pallier les manques du plan de relance, alors que le logement a un impact majeur sur le pouvoir d’achat et les conditions de vie des ménages.

Pour l’Institut Montaigne, il n’existe pas un unique marché du logement mais des situations très disparates selon les territoires qui appellent des réponses adaptées. Or, à cet égard, les multiples dispositifs de zonage, plus ou moins frustres selon les types d’intervention publique, peinent à assurer une territorialisation efficace de la politique du logement.

La loi Elan et le projet de loi dit « 3DS » qui vient d’être définitivement adopté ont tenté d’apporter des réponses à ces préoccupations. La loi Elan a traité du besoin d’adaptation de la politique du logement en zones détendues de façon extrêmement ciblée, à travers l’outil des opérations de revitalisation de territoires (ORT) et en apportant certaines souplesses en matière d’habitat indigne. Le projet de loi 3DS a étendu les moyens d’action des élus locaux dans les périmètres ORT (biens sans maître et en l’état d’abandon manifeste…) et permis de mieux adapter le dispositif de la loi SRU aux spécificités locales.

Pour rappel, l’article 55 de la loi SRU oblige certaines communes à disposer d’un nombre minimum de logements sociaux, proportionnel à leur parc résidentiel. Il prévoit notamment que les communes de plus de 3 500 habitants, qui appartiennent à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants doivent disposer de 25 % de logements sociaux d’ici 2025. La barre est fixée à 20 % pour les communes appartenant à des territoires dont la situation locale ne justifie pas un  renforcement des obligations de production, et pour les communes de plus de 15 000 habitants en croissance démographique de plus de 5 %, ne se situant pas dans les territoires précités et justifiant d’un effort de production supplémentaire au vu du fonctionnement de leur marché local de l’habitat.

La principale modification apportée par le projet de loi 3DS consiste à faire sauter l’échéance de 2025 pour pérenniser les objectifs de la loi SRU. La loi l’arrêtait en 2025, et dès 2023, la triennale 2023-2025 aurait été impossible à atteindre, puisqu’il aurait fallu pour toutes les communes concernées, rattraper la totalité du retard et l’objectif 20-25 % n’aurait pas été atteint.

La loi 3DS prévoit aussi, pour les communes pouvant faire état de graves difficultés objectives, la possibilité de signer un “contrat de mixité sociale” avec le préfet, afin d’adapter la trajectoire de construction de logements sociaux “aux réalités locales”.

Si ces mesures sont un premier pas bienvenu, elles ne suffiront pas à résorber les fractures partout sur le territoire, ni à répondre aux enjeux environnementaux mis en lumière depuis la crise sanitaire.

Les propositions de certains candidats à la présidentielles peuvent être à certains égards intéressantes, mais restent très déconnectées des problématiques de terrain. Concernant le dispositif SRU, tout particulièrement, les propositions assez électoralistes oscillent entre assouplissement et durcissement des obligations, sans aller dans le cœur du sujet :

  • vers un durcissement du dispositif SRU : selon des modalités très variables, les candidats Jean-Luc  Mélenchon, Yannick Jadot et Fabien Roussel suggèrent de durcir les obligations SRU via un rehaussement du seuil ou un alourdissement des sanctions. Anne Hidalgo se distingue en cherchant un compromis entre incitation à la construction avec une aide aux maires bâtisseurs et sanctions plus lourdes pour ceux qui ne joueraient pas le jeu ;
  • vers un assouplissement du dispositif SRU : Valérie Pécresse souhaite desserrer l’étau de la loi SRU pour “casser les ghettos”, en limitant la construction de logements sociaux dans certaines zones ;
  • vers un ciblage de l’accès au logement social : Marine Le Pen, qui se concentre sur la demande plutôt que sur l’offre, souhaite réserver l’accès aux logements sociaux à une partie uniquement de la population par application d’une logique de “priorité nationale”.

Plus largement pour l’APVF, la politique du logement, qu’il s’agisse des territoires tendus et détendus, doit s’articuler autour de trois grands axes : inciter à la réhabilitation des logements anciens pour répondre au besoin de logements de qualité, tout en étant économe en foncier ; favoriser la mixité sociale partout sur le territoire en mettant des moyens y compris sur les zones détendues (aides à la pierre, Pinel, PTZ, Denormandie …) ; et, enfin, penser la ville de demain. L’APVF a précisé ces trois axes dans le cadre d’une contribution qu’elle adressera à l’ensemble des candidats à la présidentielle très prochainement.