3 questions à Arnaud Bazire, Directeur Général de Suez Eau France

25 avril 2024

Arnaud Bazire, Directeur Général de Suez Eau France, répond cette semaine aux questions de la lettre hebdomadaire des petites villes. 

  1. Pouvez-vous revenir pour les petites villes sur la feuille de route développement durable 2023-2027 et ses implications pour Suez ?

Depuis 160 ans, SUEZ apporte des services essentiels pour améliorer la qualité de vie des populations et contribuer au développement des territoires.  Par leur nature, au-delà d’être indispensables à la survie de l’humanité, nos métiers de l’eau et des déchets, sont au cœur des enjeux d’adaptation et de transition écologique et solidaire.

A ce titre, les conséquences du changement climatique, de plus en plus visibles et parfois irréversibles, imposent que nous changions de paradigme. A titre d’illustration, les périodes de sécheresse et les inondations, parfois meurtrières, se multiplient et s’intensifient partout en France en même temps que la qualité des ressources en eau est altérée sous le triple effet des aléas météorologiques, de la modification du cycle naturel de l’eau et des polluants émergents. C’est pourquoi, notre Feuille de Route de Développement Durable 2023-2027 porte 24 engagements opérationnels, quantifiés, pour accélérer notre action en matière de climat, de préservation de la nature et de responsabilité sociale. Ces engagements ont été distingués récemment par deux organismes mondiaux de référence dans l’évaluation extra-financière des entreprises, EcoVadis et CDP. Nous les prenons aux côtés de nos clients, de nos partenaires et de l’ensemble de nos parties prenantes.

Cela passe notamment par la décarbonation de l’énergie grâce à la production d’énergie locale à partir des déchets et des eaux usées – nous avons atteint l’autosuffisance électrique de nos activités en Europe en 2023 -, par le recours au digital pour anticiper les fortes pluies et prévenir les inondations ou encore par le développement de ressources en eau alternatives, telles que la REUT ou le dessalement, pour faire face aux situations de stress hydrique.

 

  1. Dans le cadre du Plan Eau, présenté en mars par le Président de la République, quel rôle entend jouer un acteur comme Suez ?

L’eau est aujourd’hui au cœur du débat public et de l’agenda politique. C’est une bonne chose dans le contexte de pression et de raréfaction de la ressource disponible mais également de préoccupations fortes des citoyens en matière de qualité. Nous saluons le Plan Eau lancé il y a un an par le Président de la République. Il s’inscrit dans la prise de conscience collective qui a fait suite à la sécheresse de 2022. Cette séquence a marqué les esprits et redéfini les comportements. La France, au même titre que de nombreux pays européens, a compris que la ressource en eau était devenue fragile, que son accès n’était plus aussi facile que dans l’histoire récente. Elle est également de plus en plus confrontée aux conflits d’usages au sein et entre les territoires.

En tant qu’opérateur, nous accompagnons les collectivités dans la mise en place d’actions adaptées à leurs spécificités. Si l’eau est un produit local, les solutions à apporter doivent l’être tout autant.

Nous disposons des techniques pour répondre aux impératifs qui s’imposent à tous désormais : davantage de sobriété, de traitements en lien avec la future DERU, de ressources alternatives, de concertation …Une question demeure en revanche quant à l’évolution du financement d’un service public plus que jamais essentiel.

 

  1. Quel regard portez-vous sur le mur d’investissement auquel les petites villes doivent faire face pour relever les enjeux relatifs à l’eau et plus largement à la transition écologique ?

La France investit environ 6,5Md€ chaque année dans les services d’eau et d’assainissement. Les Assises Nationales de l’eau en 2019 ont permis de mettre la lumière sur un retard de l’ordre de 15Md€ sur 5 ans au titre des investissements à réaliser dans les réseaux et les infrastructures. On estime par ailleurs qu’il faudrait 3Md€/an supplémentaires pour faire face, d’une part, au renforcement de la réglementation et d’autre part, à la transition écologique.

Alors que nous assistons à une réduction des volumes qui semble structurelle – certes bénéfique et indispensable pour la Planète mais impactante pour les recettes de l’ensemble des acteurs des services d’eau – nous devons nous interroger collectivement sur un modèle économique à bout de souffle. Comment impulser les investissements nécessaires quand ce modèle économique est composé à plus de 85% de coûts fixes dépendants dans la même proportion de recettes variables, les volumes, et que ces derniers sont en baisse ?

La réponse à cette question complexe est, sans conteste, le prérequis d’une ambition nationale et locale pour les services d’eau et d’assainissement en France. Ce, indépendamment de la taille des collectivités et des choix technologiques ou techniques opérés.