Projet de loi Numérique : de nouvelles obligations pour les collectivités ?

7 octobre 2015

« La circulation des données » : quels impacts pour les territoires ?

 

L’affirmation du principe de l’ouverture des données publiques concernant les personnes morales de droit public entraîne naturellement une modification de certaines dispositions de la loi du 17 juillet 1978 sur l’accès aux documents administratifs (Loi CADA) dans le respect de la protection des données personnelles (loi CNIL de 1978). Mais il est important de noter que dans sa version actuelle, le texte exclut les collectivités territoriales de l’obligation de prendre directement part au mouvement d’ouverture des données publiques.

Plus précisément, le projet de loi Numérique laisse à la loi portant Nouvelle organisation territoriale de la république (loi NOTRE) le soin de fixer le cadre en matière d’ouverture des données publiques pour les communes. Seuls les documents administratifs (dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions[1]) émanant des collectivités dans le cadre de l’exécution de leur mission de service public, déjà disponibles sous forme électronique, devront faire l’objet d’une politique d’ouverture des données.

 

Les administrations et établissements publics auront l’obligation de publier leurs données, mais un décret établit en Conseil d’Etat dans le sillage de ce projet de loi, fixera un seuil lié au nombre d’agents associé à ces structures. Elles auront un an pour se mettre en conformité. L’article 2 du projet de loi supprime en effet la dérogation à la loi Cada dont bénéficiaient les données des services publics industriels et commerciaux.

Le projet de loi accouche également de la notion de « service public de la donnée ». Concrètement, la diffusion et la mise à disposition de « données de référence » relèvera d’une mission de service public assuré par le concours de différentes administrations centrales. Sont considérées comme « données de référence » : tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission.[2]  Par décret, le Conseil d’Etat déterminera précisément la nature de la participation des administrations centrales mais aussi des collectivités dans l’entreprise de mise à disposition des « données de référence ».

 

Les entreprises privées en délégation de service public (DSP) devront « sauf stipulation contraire » fournir à la personne morale de droit public, les données et bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public. La personne morale de droit public, ou un tiers désigné par celle-ci, peut à l’aune du projet de loi extraire et exploiter librement ces données, voire les mettre à disposition du public à titre gratuit à des fins de réutilisation à titre gratuit ou onéreux. A préciser que cette disposition n’a pas d’effet rétroactif.

 

« L’accès au numérique pour tous » : quelles implications ?

 

L’article 23 du projet de loi prévoit d’intégrer les « services numériques » au sein des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN) déjà existant dans la plupart des départements. Ces schémas visent actuellement à recenser les infrastructures et réseaux existants et présentent une stratégie de développement de ces réseaux, permettant d’assurer la couverture du territoire concerné. Ayant une valeur indicative, ils visent à favoriser l’articulation et la complémentarité entre investissements publics et privés. Ils devront dorénavant prendre également en compte les « services numériques ».

 

Ce projet de loi créé également des obligations à la charge des administrations et notamment des collectivités locales pour développer l’accessibilité des sites internet aux handicapés. Les sites des collectivités devront afficher dans les conditions fixées par décret, « une mention visible qui précise, dès l’ouverture, le niveau de conformité ou de la non-conformité du site aux règles d’accessibilité ». En cas de non mise en conformité avec ces exigences d’accessibilités, des amendes sont prévues : « 1.500 € appliquée à l’encontre des personnes responsables des sites publics appartenant aux communes de moins de 5000 habitants et 5.000 € appliquée à l’encontre des communes de plus de 5000 habitants, des services de l’Etat et des établissements publics qui en dépendent ». Les délais de mise en conformité devraient être précisés par décret.

 

Enfin, l’article 30 modifie le code de l’action sociale et des familles et introduit un droit à la connexion. Au même titre que pour l’électricité, l’eau, le gaz, et la téléphonie fixe, un ménage qui ne peut pas payer ses factures verra sa connexion maintenue, le temps que le fonds de solidarité prenne le relais.

 


[1] L’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 6 juin 2005 considère comme document administratifs : « notamment, tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions » produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission.

[2] Voir Article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 6 juin 2005.